Leslie Manigat décrit les funestes secondes du séisme du 12 janvier

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Sorti miraculeusement sain et sauf du tremblement de terre qui a ravagé Haiti, l’ex-président haïtien Leslie Manigat raconte comment il a vécu les quelques secondes fatales du 12 janvier dernier en Haïti. Manigat raconte qu’il était chez lui lorsque tout s’est écroulé dans son bureau «en l’espace d’un cillement». Il n’a pu comprendre jusque-là pourquoi il n’a eu aucune égratignure. En voici un extrait de son intervention dans la presse locale.

 

 

 

 

 

 

J’ai vécu l’horrible catastrophe du 12 janvier chez moi, dans mon bureau, cloué d’épouvante devant la furie des forces de la nature déchainée à détruire. Je l’ai déjà décrit avec mes deux questions ȧ l’esprit, l’espace d’un cillement : la force de destruction qui a tout ébranlé dans une vision d’apocalypse n’a pas détruit la maison, comment et pourquoi ? Je ne crois pas à la seule raison rationnellement suffisante cependant, qu’elle avait été construite pour résister à des pressions formidables de ce genre.

Deuxième pensée-éclair ; Je suis ȧ l’article de la mort sans phrase car tout s’est écroulé dans le bureau, et les meubles et les rayons de la bibliothèque dansaient une valse-hésitation comme pour savoir où tomber. Or aucun ne m’est tombé sur la tête, mais ȧ terre autour de moi sans m’égratigner. On a été obligé de venir me chercher par derrière la maison après un dialogue hilarant : Professeur, vous n’êtes pas mort ? Non, et vous ? On est vivants et on va venir vous retirer de là par derrière. Mon heure n’était pas encore venue.

Tout mon personnel domestique s’en sortait sans une seule égratignure, émergeant des débris d’alentour car la force en furie du séisme avait pulvérisé l’intérieur des meubles les plus fragiles (Verreries, argenterie, objets familiers de la vie quotidienne) et surtout les murs de la résidence pulvérisés sur trois façades,  nous laissant pour ainsi dire presqu’à nu par rapport aux voisins. Mais comment dire ce soulagement instantané, joyeux et il faut l’avouer humainement égoïste d’avoir été parmi les survivants ? C’était déjà la tombée du jour. Et la terre continuait ȧ trembloter !

Le lendemain, on trouve que l’électricité de la génératrice nous avait  charitablement valu de pouvoir allumer la maison et faire fonctionner deux ou trois appareils échappés ȧ la destruction ou non en dérangement, dont le réfrigérateur. Nous étions des sinistrés providentiellement heureux par rapport à ce que l’on commençait à apprendre du pays. Dès le lendemain, on était dans les rues, non en curieux, mais pour  pouvoir témoigner et assister. Dans l’après-midi, nous étions ma femme et moi au chevet d’une amie très proche, hospitalisée ȧ l’hôpital de la Communauté haïtienne,  que nous trouvons en attente de radiographie. Elle était souffrante mais confiante.

Elle n’a pas survécu finalement ȧ la démolition physique de son corps pourtant structurellement robuste. Quelques minutes plus tard, on se rendait au cimetière du Parc du Souvenir pour participer à l’inhumation en stricte intimité familiale, de ma nièce et filleule Yolaine Lhérisson, victime de l’effondrement de l’immeuble de son bureau. Au dehors, c’était l’abomination de la désolation dont parle la Bible. Pas un signe ni un signal public de l’autorité responsable.

 

 

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