Un embargo pour forcer Haïti à reconnaître les droits de sa diaspora

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MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE) – Énumérant les privilèges normaux jusque-là interdits  aux expatriés haïtiens en Haïti, l’expert en gouvernance, Wilson Saintelmy, suggère un embargo contre ce pays en proposant, ni plus ni moins, de geler pendant un mois tout transfert d’argent vers Haïti afin que les Haïtiens de l’intérieur puissent enfin reconnaitre les droits civils et politiques de la diaspora.

À l’écoute de ces mots : «Il faut arrêter le robinet de cash que la diaspora déverse sur Haïti», l’assistance d’environ 300 personnes a grondé. «C’est de la folie fumeuse une telle connerie! J’envoie de l’argent à ma sœur ou à ma mère et puis vous osez me dire d’arrêter?, a rétorqué, dans son coin, à un ami, Kesler Brézault, expert en langues, qui n’a pas saisi, d’emblée, là où le conférencier voulait en venir.

 

Déséquilibre favorable à la communauté internationale

Wilson Saintelmy, qui allait multiplier les arguments, n’a pas tardé à se faire ovationner. Le doctorant qui enseigne la finance et la stratégie à l’UQÀM a expliqué qu’avec leurs capitaux estimés à près de deux milliards dollars US par année, les Haïtiens de l’extérieur constituent de loin le premier bailleur de fonds de la République caraïbe, devant l’Union Européenne, les USA, le Canada et tous ceux qui détiennent un statut de membre au sein du fameux cercle des «pays amis d’Haïti».

Dénonçant une telle anomalie, Saintelmy se demande comment se fait-il que les capitales étrangères qui versent aussi peu d’argent puissent, via leurs ambassades, imposer leurs dictats aux détenteurs du pouvoir à Port-au-Prince alors que les préoccupations du plus grand bailleur de fonds du pays, en l’occurrence, la diaspora, demeurent le cadet des soucis des autorités.

 

Un génocide pire que celui du Rwanda

Aux  pays du Nord influents qui approuvent tacitement, à son avis, «cette injustice ou ce déséquilibre» qui pénalise le donateur le plus régulier d’Haïti, Wilson Saintelmy leur a fait remarquer que, «si la communauté internationale peut jusqu’ici se permettre de faire du jet-set en Haïti, c’est encore grâce à l’argent de la diaspora qui favorise une certaine stabilité».

Le Lavallois d’origine haïtienne rappelle à la communauté internationale qu’Haïti connaîtrait déjà un génocide beaucoup plus spectaculaire que celui du Rwanda si, de facto, les Haïtiens de l’extérieur ne fournissaient pas l’équivalent du welfare (USA), du bien-être social BS (Canada) ou du smic (France) à leurs compatriotes de l’intérieur.

Selon lui, cet État «créole» défaillant dont il va falloir à tout prix s’en débarrasser ne débourse pas un sou pour s’occuper de ses citoyens en termes d’ (assurance-chômage, assurance-maladie, assurance-médicaments, assurance-invalidité, etc.). Toutes ces responsabilités sont assumées par la diaspora qui n’impose pourtant aucune reddition de compte, a-t-il soutenu.

Il ajoute que la diaspora a fait «le sale boulot» de discréditer Duvalier à l’étranger et favoriser sa chute alors que «les prédateurs de l’État créole» qui en ont pris l’héritage ont banni les droits de ces valeureux militants dans les affaires du pays en allant jusqu’à enchâsser une telle exclusion dans la Charte fondamentale du pays.

Wilson Saintelmy souhaite que les exilés haïtiens s’inspirent de certaines diasporas qui ont pu tisser des relations exemplaires durables avec leur mère-patrie respective et équitables pour les deux parties. Il a cité à deux reprises «la diaspora juive, la diaspora chinoise et la diaspora indienne», a noté l’Agence de presse Médiamosaïque.

 

Entendez par «État créole»?

L’«État créole», une expression de Saintelmy,  est né, selon lui, après 1804 de l’entente calculatrice et stratégique des «Affranchis ou créoles» qui, pour prendre la place des Français ou colonisateurs de l’époque s’alliaient avec «les bossales ou esclaves» au détriment de ces derniers. Le chercheur pense qu’il est logique de parler de «racisme et de régime d’apartheid» en Haïti où la nuance épidermique (qu’on soit à teint foncé ou un peu moins) peut être synonyme de classe sociale, de richesse, de pauvreté.

Selon lui, ces «prédateurs de l’oligarchie économique» bi-séculaire d’Haïti, craignant l’établissement dans le pays d’une nouvelle élite (à la fois riche, instruite, compétitrice et moderne) issue de la diaspora, s’entendent pour pérenniser cet «État créole» rétrograde à leur seul et unique profit.

À noter que, le spécialiste Wilson Saintelmy intervenait lors d’une «conférence populaire» organisée les 23 et 24 avril derniers au buffet Cristina par la radio de la communauté haïtienne CPAM. Une démarche initialement soutenue par les animateurs de l’émission hebdomadaire «Paroles d’Haïtiens» diffusée sur la station du même nom à Montréal.

 

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PHOTO MEDIAMOSAIQUE.Com  (Wilson Saintelmy, à gauche, est PDG d’une entreprise à Laval spécialisée dans l’import-export. Il enseigne la stratégie et la finance à l’UQAM et est fondateur et éditeur de la première revue d’expression française consacrée à la gouvernance organisationnelle.