Tombé du ciel, Duvalier épaissit davantage le brouillard en Haïti (RÉACTIONS)

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En Haïti et au Canada, acteurs et observateurs de la scène politique de ce pays de la Caraïbe se perdent en conjectures en tentant de trouver le véritable mobile de l’arrivée inattendue de l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier à Port-au-Prince, une capitale engluée déjà dans une crise post-électorale aux allures de panier de crabes, autrement dit sans issue.

L’ex-ministre haïtien des Affaires étrangères et professeur Jean-Robert Simonise admet son incapacité à décoder les non-dits de ce retour d’exil de Bébé Doc 25 ans après avoir été chassé par une révolte populaire le 7 février 1986. Le symbolisme de la date est tellement fort que la Constitution du pays prévoit d’ailleurs que le quinquennat présidentiel débute et prenne fin un 7 février.

«Je n’y comprends rien parce que le gouvernement actuel, qui ne s’oppose pas à son arrivée, a des différences idéologiques énormes avec lui. C’est définitivement l’échec des démocrates et de la démocratie le fait de voir Jean-Claude Duvalier revenir comme ça au pays acclamé par des centaines de ses partisans», s’est plaint M.Simonise.

Le leader du KID, une des victimes du régime macoute, Évans Paul, qui intervenait également à chaud sur les ondes de Radio Vision 2000 captée à Montréal à l’Agence de presse MÉDIAMOSAÏQUE, y voit «une tentative de distraction et de diversion du président René Préval».

«René Préval, qui voit le pouvoir se glisser entre les mains, se comporte en parfait disciple de Machiavel. Comme un boxeur essoufflé, pour éviter le KO, il trébuche pour trouver l’élan nécessaire pour se défendre vis-à-vis de son adversaire, entre autres,  la communauté internationale qui le coince avec le Rapport émis par l’OEA qui écarte son poulain du deuxième tour du scrutin», analyse M.Paul.

Liliane Pierre-Paul, qui pratiquait le journalisme alors que Bébé Doc était au pouvoir, pensait que la nouvelle était plutôt «un canular». Déplorant ce qu’elle appelle «un long processus de réhabilitation du Duvaliérisme en Haïti», la copropriétaire de Radio Kyskeya, qui voit la main cachée des Américains et des Français dans l’orchestration de ce retour, dit ne pas être étonnée de la cote de popularité ascendante de l’ancien dictateur en Haïti.

Évoquant, dit-elle, l’irresponsabilité d’une certaine presse peu soucieuse de l’histoire et des droits de l’homme bafoués sous l’ère des Duvalier, Mme Pierre-Paul a félicité ironiquement ces têtes pensantes qui finissent par faire du «pays un champion mondial disposant d’une gomme spéciale pour biffer les faits répugnants commis il y a environ 30 ans par l’un des régimes les plus sanguinaires de l’histoire d’Haïti».

Intervenant, de son côté, sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada, la directrice de Radio Haïti-Inter Michèle Montas dénonce l’impunité qui devient le modèle de gouvernance d’Haïti. Elle annonce qu’elle va, de manière symbolique, porter plainte officiellement contre l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier par devant la justice.

Pour sa part, l’ex-ambassadeur du Canada en Haïti, Gilles Bernier, pense que le gouvernement Préval «essaye probablement de semer la confusion». Le diplomate retraité reproche à l’équipe sortante sa passivité, son profil bas, son laisser-faire, alors que, a-t-il fait remarquer, un policier pouvait facilement intercepter l’ex-président à qui l’on reproche des milliers de crimes.

À noter que, l’arrivée le 16 janvier de Jean-Claude Duvalier a coïncidé avec la date prévue pour la tenue du deuxième tour des élections présidentielles et législatives reportées sine die en Haïti. La nouvelle du retour de l’ex-dictateur a nettement dilué la présence le lendemain du No de l’Organisation des États américains (OEA), Jose Miguel Insulza, pourtant attendu avec fébrilité pour dégeler l’impasse électorale.

 

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PHOTOS MEDIAMOSAIQUE.Com/Google(Des Haïtiens exprimant leur joie en apprenant que l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier se trouvait à l’aéroport internationale de Port-au-Prince)