Silence… le rêve américain débarque au Québec! (REPORTAGE)

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Comment faire du silence un puissant outil communicationnel ? Comment décrire les fantasmes humains avec humour et sans prononcer un mot? Pari audacieux auquel se livre la compagnie états-unienne «» dans son spectacle «Rêverie»,  présenté en première mondiale du 14 au 26 juillet au théâtre Gesù dans le cadre du «Festival Juste pour rire».

Une mimique vaut mieux que mille mots

La recette du projet est simple : un bureau ovale autour duquel six collègues de travail excédés par l’ennui du neuf à cinq se laissent tour à tour happer par de brefs instants de rêverie; avant d’être interrompus par les regards accusateurs des autres confrères, a constaté sur place une journaliste de l’Agence de presse «Média Mosaïque».

La dégustation du concept est, quant à elle, plus complexe. Pénétrer cet univers de Dexter Bullard essentiellement axé sur l’art du mime demande un effort, de se creuser un minimum les méninges.

Au fil des minutes, la magie du théâtre muet opère. Le langage des corps et le face-à-face des cœurs transposent les spectateurs dans la jungle moderne; celle des gratte-ciels, des Simpson et de la consommation boulimique. L’absence des mots prend dès lors tout son sens. Elle permet aux six comédiens – Frank Caeti, Emmanuelle Delpech-Ramey, Lauren Dowden, Dean Evans, Laura Grey et Anthony Irons – de dépeindre avec précision un imaginaire bestial, cruel et merveilleux, symbole d’un Occident portant son lot de bassesses et de délicatesses.

Une journée de travail pour un instant de folie

La musique adoucit les mœurs, paraît-il. Pas le moins du monde dans cette mise en scène. Sur des sons funk, classique et autres bruitages, les protagonistes s’adonnent graduellement à toutes sortes de délires fantasmagoriques. Chaque mouvement du «sextuor» devient un instrument au service d’un message. Comme, par exemple, la scène du bébé apprenant à marcher à l’insu de ses parents préoccupés par le fonctionnement de l’appareil photo; ou celle de la strip-teaseuse faisant valser dans les airs ses vêtements ainsi que des parcelles de son anatomie. Sans oublier cette maitresse exaspérée de ses élèves bruyants et irrespectueux.      

«On ne se parle plus, on ne s’entend plus, mais on travaille sans garde-fou» nous conte «Rêverie» en sourdine. Portrait d’un Occident où les mirages et les cauchemars deviennent des bouffées d’oxygène face à une réalité monotone, le spectacle dissèque avec un accent de lucidité et de pessimisme les relations humaines.

L’absurdité des séquences qui s’enchainent laissent réfléchir, à qui veut bien l’entendre, sur les ressorts profonds d’une société jouisseuse mais désespérée. Une civilisation gouvernée par les cellulaires, les caméras et autres gadgets communicationnels mais toujours aussi primitive, à en croire le dénouement de l’histoire: le téléphone sonne, les mots s’invitent sur scène, l’une des comédiennes quitte précipitamment le bureau pour rejoindre son conjoint…un repas aux chandelles en perspective ? Fausse alerte, le rendez-vous de la procréation clos sordidement la pièce.

La morale du show, s’il en faut une : nul ne se soucie vraiment de personne… Alors continuons à danser et à faire des enfants avec cette pointe d’insouciance salvatrice.

 

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PHOTO: Les acteurs du spectacle «Rêverie» au Gesù au centre-ville de Montréal