REVDAmériques & Communauté internationale: une certaine idée du Monde! (LETTRE OUVERTE)

1437

MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE) – Le réseau REVDAmériques, qui regroupe, entre autres, PLAC 21 International, Vues & Voix (ex- La Magnétothèque), la Fédération France-Québec 21, juge urgent et pertinent d’apporter un correctif aux insinuations et accusations selon lesquelles l’Organisation des Nations Unies (ONU) «serait une force d’occupation en Haïti ».

Dans une lettre cosignée des responsables de ces trois organismes à l’origine du premier Colloque International du Millénaire au Québec CIME 2010 à Laval (Québec), reçue à la rédaction de l’Agence de presse Médiamosaïque, ces derniers insistent également sur le  distinguo à faire entre les ONG travaillant sous le parapluie de l’ONU et les milliers d’autres dont la charte n’a vraiment rien à voir avec les objectifs fixés par celle-ci.

Vu l’aggravation de la situation humanitaire en Haïti et l’incapacité de la plus vielle nation de la Caraïbe à se relever de par elle-même suite au séisme du 12 janvier, l’heure n’est à pas souhaiter, selon les signataires, «l’indifférence» de la communauté internationale qui a fait preuve, toujours d’après eux, d’un «émouvant élan de générosité planétaire» envers l’île après l’indescriptible catastrophe de 2010.

Reprenant le slogan «Nous sommes tous Haïtiens», le politologue et président et chef de la direction de PLAC 21 International, Dr.Mohamed Benkhalifa, la directrice générale de Vues & Voix (Ex La Magnétothèque) Marjorie Théodore, la présidente de la Fédération France-Québec 21 Diane Pilotte,  souhaitent leurs vœux les meilleurs au peuple haïtien pour la nouvelle année 2011 tout en se désolidarisant, disent-ils, des «intellos d’ici et venus d’ailleurs et autres politicailleurs» tirant à boulets rouges sur l’Organisation mondiale.

Ci-dessous, la lettre du réseau REVDAmériques in extenso:

REVDAmériques & Communauté internationale : une certaine idée du Monde !

Dr. Mohamed Benkhalifa, Politologue, Président et chef de la direction de PLAC 21 International, Mme Marjorie Théodore, Directrice générale de Vues & Voix (Ex La Magnétothèque), Mme Diane Pilotte, Présidente de la Fédération France-Québec 21.

Un instant ! Juste un instant de construction critique positive, sans polémique. Loin s’en faut…

Rien qu’un moment de douceur dans ce monde aux humeurs dissonantes. Nous voudrions juste arracher un laps de temps au climat bien-pensant actuel, en étalage dans le pays de la révolution tranquille qui s’ouvre doucettement à son nouvel hiver. Pourquoi ?

Et bien, tout bonnement, afin de proposer une autre parole. Une parole de plus, certes, mais une parole tout de même. Et, pas la plus inopportune. Celle des abeilles et des fourmis laborieuses de l’humanitaire. Le temps presse, alors en bons québécois que nous sommes, ça s’ra pas ben long.

Oui ! Juste nous laisser aller à notre échange trophallactique habituel d’acteurs de terrain en réseau. Nous, ces organisations à but non lucratif anoblies par ces centaines, ces milliers, voire ces millions de bénévoles de l’espérance toujours prompts à la solidarité active. Juste un message d’amour face à la rhétorique, tout azimut, sans nuance aucune et riche en contradictions.

Fin mai 2010, à Laval, Vues & Voix, ex La Magnétothèque a organisé avec l’ONG PLAC 21 International, le premier Colloque International du Millénaire au Québec. L’« Évènement Millenium Event »®, qualifié de majeur par l’ONU, a réuni plus de 800 participants de 30 pays, ayant à cœur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Y sera créé le réseau informel des Acteurs des Solutions, des Villes et Collectivités durables de la Francophonie des Amériques (REVDAmériques). Ce réseau délivrera l’acte de naissance de la Déclaration du Millénaire de Laval-Québec, texte-référence qui oriente ce que les réseaux mondiaux nomment désormais : La Stratégie de Laval.

Forts de cette stratégie, nous demeurons, somme toute, apostrophés par l’image véhiculée, ces derniers temps, que l’ONU serait une force d’occupation. Trêve de plaisanterie, il faut savoir raison garder et trier le bon grain de l’ivraie. Qualifier la Communauté internationale d’intruse, personae non grata, c’est faire abstraction, tout de go, des impacts qui peuvent résulter de ce postulat à l’approximation déroutante. Sagesse aidante, nous nous devons de concourir à la suppression des obstacles à la paix. Mais plus encore, s’opposer à tout exercice de distorsion de l’information à des fins partisanes qui, in fine, risque de se muer en source velléitaire de désinformation intempestive et de rumeurs inquisitrices. Attention, mort d’homme en vue…

Honnêteté intellectuelle oblige, il est à saluer le volontarisme des Organisations Non Gouvernementales (ONG) reconnues par la Communauté internationale. Et, par la même occasion, rappeler que les Nations Unies avec l’UNICEF, le PNUD, le FNUAP ou le PAM lancent régulièrement des appels pour l’aide d’urgence aux démunis de guerre et autres catastrophes naturelles. Retenons l’émouvant élan de générosité planétaire, en 2010, suite au séisme en Haïti.

Cela étant dit, l’ONU n’est pas – et ne saurait être – le gouvernement du monde. Souverain, chaque peuple est, dans l’absolu, libre de demander ou de refuser l’aide de la Communauté internationale. Voici une lapalissade. On peut évoquer le fait que le « droit d’ingérence » du philosophe Jean-François Revel, n’a pas de base juridique solide. Et même ajouter que déjà l’« intervention d’humanité » du XIXème siècle a fait que les États, au nom de ce concept, ont tantôt commis l’irréparable, tantôt agit au profit d’intentions détournées de l’objectif humanitaire. Soit ! Mais pas de confusionnisme. Nous nous situons à un autre niveau. Oui, en effet, personne ne peut interdire à nos tripes, neutres et impartiales, de se nouer face à l’état d’impuissance qui frappe notre prochain. Halte-là au « droit à l’indifférence »…

Alors, pas d’amalgames ! Toutes les ONG ne peuvent être logées à la même enseigne. Et puis non ! Elles ne sont pas des « infections ». Il peut y avoir des groupes aux finalités dévoyées dont, au demeurant, il ne serait pas étonnant de découvrir qu’ils n’ont pas de reconnaissance particulière de la Communauté internationale. Ce sont, plus souvent qu’on ne l’imagine, une myriade de chapelles sectaires qui se ceignent du titre d’ONG comme on brandirait un rameau d’olivier. Elles exploitent la béance universelle dont parle admirablement Pascal qui disait « Il y a dans le cœur de l’homme un vide en forme de Dieu ». Audacieuses et incisives, elles prospèrent sur le terreau de la pauvreté extrême, de la rumeur têtue, du dernier cri et des espoirs trompés.

À l’image de notre formidable réseau social québécois dont nos organisations respectives font partie, il n’est pas à douter que Femmes Autochtones du Québec, Médecins du Monde-Canada, Handicap International ou encore le CICR soient des ONG dont la mission est essentielle au mieux-être des populations qui vivent sur ces territoires en besoin d’aide, Québec compris.

Dans « De la culture en Amérique » – 2006, Frédéric Martel affirme qu’il existe 1,14 millions d’associations à but non lucratif, rien qu’aux USA, pays-hôte du siège des Nations Unies. Sur la planète, les ONG reconnues par l’ordre international ne sont pas si nombreuses. En effet, si la Terre compte 1,7 milliard de pauvres, il n’y a que 2346 ONG qui détiennent le statut consultatif conféré par le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) ; et parmi elles, seulement 137 ont le statut « Général ». Sésame qui donne accès à l’ordre du jour de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires. Possibilité est donnée, alors, d’avoir un rôle d’observateur lors des séances publiques et de s’y exprimer, par écrit ou de vive voix, toujours de façon responsable et non-réactionnaire.

Alors, si nous nous insurgeons contre toute tentative obscurantiste et démagogique, raison de plus pour affirmer, haut et fort, que toute action, parole ou intention doit avoir pour guidées la raison et la conciliation. Surtout quand la réalité crue de certains territoires, de par le monde, est des plus comminatoires. L’article 1er de la Déclaration des Droits de l’Homme ne finit-il pas par nous inviter à « agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » ?

En ces temps de violente crise, le devoir de vertu s’inscrit davantage dans le désir d’ériger la raison en protecteur de la bienveillance de ces petites mains donatrices, dont il ne faut pas oublier les largesses. Il s’agit, encore moins, d’altérer la lueur de l’intention qui anime ces yeux couleur compassion. En nous, vibre une émotion constante pour les peuples debout qui regardent l’Autre comme une juste réponse à la fraternité attendue. Nous croyons aux rapports pacifiés entre tous les protagonistes du développement, afin d’asseoir une certaine idée du Monde. Employés engagés et bénévoles déterminés, nous sommes les porteurs d’une Cause : L’accès aux droits fondamentaux pour tous.

Tout écho qui ouvrirait le moindre layon dans la forêt cachée par l’arbre de la déraison menant à la hutte du bouc émissaire est à infirmer. Prenons le temps de l’analyse éclairée pour ne pas toucher l’inconscient collectif arrimé aux sentiments légitimes de régression sociale, de crainte de dépossession ou encore de phobie sécuritaire.

Le climat ambiant qui imprègne nos sociétés par la perte de confiance dans l’État et dans l’avenir économique, stigmatise souvent ce qui est perçu comme l’Étranger. Rien n’est pire que de pressurer un contexte de crise de légitimité démocratique. Il nous faut innover et forger des modèles d’humilité qui feraient référence au désintéressement contre l’égocentrisme. Ce dernier a fait de l’Autre un exutoire. Nous n’épions pas, au théâtre, les morts à Huis Clos, prônant par la voix de Garcin que « l’enfer, c’est les Autres ». Cela suffit ! Vigilance chevillée au corps, nous restons des faiseurs de paix et de liens ; et la vie, à citer Sartre, « se ressent, se perçoit » à travers autrui.

Aussi, juste un instant d’éternité pour toi, cet autrui, pour te dire un grand merci pour tes dons et le temps précieux que tu accordes à tous ces frères et sœurs. Merci à vous, gens de bonne volonté sensibles à l’Autre, ce semblable en humanité. Vous, cette intelligence collective, magnanime et plurielle. Vous, qui êtes résolument pour le rapprochement des peuples et des cultures. À toutes ces âmes affables du Québec et d’ailleurs, un message, un seul : Restons mobilisés autour de toute la Communauté internationale.

Enfin, pour fermer le bal des prétendants, puisque la conjoncture s’y prête, Bonne année 2011 à vous !

C’est clair, cette année devra être, au moins, dédiée aux êtres en besoin de paix : Haïti en tête. Restons donc acquis au slogan de la première heure : Nous sommes tous Haïtiens !

Finalement, puisqu’évoqué, bien à propos, faisons de la commémoration des victimes du cruel cataclysme du 12 janvier 2010 un « dies natalis », un moment de communion internationale. Communion, le mot est lâché. Alors, Bonne année aussi à vous, intellos d’ici et venus d’ailleurs et autres politicailleurs. Avec franchise, bras vous sont ouverts, cordialement, pour que vous prêtiez main-forte aux singuliers insectes sociaux que nous pouvons tous être. Le but ? Offrir vos solutions. Efficaces, s’il vous plait…Le monde en a rudement besoin.

PHOTOS MEDIAMOSAIQUE.Com (En haut, les trois signataires de la lettre intervenant lors de la conférence de presse annonçant la tenue du CIME 2010 au Québec à Laval. En bas, Dr Benkhalifa et Marjorie Théodore sur le terrain en Haïti quelques jours après le séisme du 12 janvier 2010)