Quand la 1ère République « noire » du monde devient « africaine »

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MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE) – En devenant le 55e État de l’Union Africaine (UA), la plus grande institution panafricaine, Haïti passe tout simplement du statut de « première République noire » dans toute l’histoire de l’humanité à la « première république africaine du monde ».

Pour bon nombre d’Africains, à l’instar du patron du Grenier, une maison d’édition montréalaise,  l’entrée d’Haïti au sein de l’UA, qui regroupe toutes les nations du continent, a valeur de symbole et le geste stipule clairement une volonté de diversifier la diplomatie haïtienne. Un retour aux sources  « accueilli avec joie » par Moïse Mougnan dans un article qu’il a soumis à la rédaction de l’Agence de presse Médiamosaïque.

Diplomatie et première République

Haïti  » doit diversifier ses relations afin de ne plus être dépendant d’une diplomatie à géométrie invariable ou l’otage d’une diplomatie surtout condescendante et suffisante qui n’a ni respect, ni égard à sa notoriété « , a conseillé l’intellectuel africain d’origine tchadienne qui a énuméré une liste de chefs d’États haïtiens contemporains pro-africains.

 » La diplomatie occidentale d’Haïti est un lamentable échec. Et pourtant, sa diplomatie et ses engagements ont toujours été avant-gardistes « , a rappelé Moïse Mougnan qui s’oppose parallèlement à l’expression « première république noire », un terme repris par les Haïtiens, une expression qui cache pourtant, selon lui, l’abstraction de toute une architecture de préjugés consolidée par l’Occident.

À son avis, il est «  temps de  rectifier cette façon de dire d’Haïti qu’elle est la première république noire au lieu d’affirmer qu’elle est la première république africaine. Cela relève d’un préjugé épidermocrate que, hélas, nous continuons à perpétuer et à pérenniser. Pourquoi ne parle-t-on pas de la Grèce comme la première république blanche ?« , a-t-il comparé.

Dessalines versus Che Guevara

Grand Dessalinien devant l’Éternel, Mougnan dénonce la campagne visant à salir l’image de Jean-Jacques Dessalines, reconnu officiellement en Haïti comme le « Père de la patrie ». Selon lui, l’exploit réalisé par l’unique et seul Jean-Jacques Dessalines constituait un affront pour l’Occident qui a tout fait pour éviter l’émergence de tout autre Dessalines sur notre petite planète bleue.

 » Jean-Jacques Dessalines, n’était ni illettré, encore moins analphabète. Son seul tort est celui d’avoir vaincu toutes les puissances esclavagistes de l’époque, et cela ne se pardonne… on peut comprendre la diabolisation éhontée du plus grand héros, non seulement haïtien, mais africain et tiers-mondiste, bien avant l’innommable Che Guevara « , a tranché le spécialiste des questions africaines et tiers-mondistes.

Ci-dessous, la version intégrale de l’article

Par Moïse Mougnan

Afrique Haïti, un rapprochement tant attendu!

Un continent, l’Afrique, et un pays, Haïti, que tout relie. L’histoire, on le sait, est plus têtue que la géographie et encore plus que les méandres et les spasmes de l’acculturation et de l’assimilation.
Nous avons toujours clamé et proclamé haut et fort aux oreilles sourdes, qu’il y a un impératif absolu et la nécessité impérieuse de resserrer et de consolider les liens entre le continent de Cheick Anta Diop et le pays de Jean-Jacques Dessalines.

Il est inadmissible que les relations entre ces deux entités consanguines ne demeurent que dans le strict minimum, voire dans le folklorique, alors que tout concorde et doit aller plutôt dans le sens  du renforcement de ces relations.

Nous avons toujours été partisans de l’adhésion d’Haïti aux institutions panafricaines. C’est donc avec joie que nous constatons que ce processus commence à être mis en chantier. C’est que depuis le 4 février dernier, Haïti qui fut membre observateur de l’Union Africaine, a désormais le statut de membre associé. Ce qui lui permettra au prochain sommet, en juillet prochain à Lilongwe au Malawi, de devenir un membre à part entière de ladite Union.

Après le Sud Soudan (indépendant  depuis le 9 juillet 2011), Haïti (depuis le 1er janvier 1804) deviendra donc le 55ème État membre de la plus grande Institution Panafricaine. La prochaine étape sera (cela va de soi) la Banque africaine de développement (BAD) et d’autres institutions culturelles, commerciales  et sociales.

Faut-il rappeler que ce souhait, pour ne pas dire ce rêve panafricain d’Haïti ne date  pas d’aujourd’hui. La Constitution haïtienne est la seule constitution véritablement panafricaine au monde. Plus que toutes les Constitutions africaines réunies ensemble.

Il faut mentionner que celle qui a précédé l’indépendance ainsi que les six Constitutions haïtiennes de 1816 à  1879, comme le rappelait, si brillamment madame Mirlande Manigat lors d’une conférence prononcée à l’occasion de l’ouverture de la 4ème réunion de la CORPUCA (Conférence des Recteurs et Présidents des Universités de la Caraïbe), au Karibe Convention Center, le jeudi 29 juin 2006, avaient prévu d’accorder la nationalité haïtienne aux descendants de Noirs et d’Indiens  qui s’établiraient dans le pays ».

Contrairement, à  ce que dit la propagande officielle, et qui hélas perdure, c’est à dire coloniale et raciste bien entendu, et reprise malheureusement par plusieurs Haïtiens, Jean-Jacques Dessalines, n’était ni illettré encore moins analphabète. Son seul tort est celui d’avoir vaincu toutes les puissances esclavagistes de l’époque, et cela ne se pardonne.

Mais, comme l’histoire avec un petit « h » est écrite toujours par les vainqueurs, on peut comprendre la diabolisation éhontée du plus grand héros non seulement haïtien mais africain et tiers-mondiste bien avant l’innommable Che Guevara.

Depuis la période de Jean-Jacques Dessalines, le libérateur, jusqu’à l’ancien président Pierre Nord Alexis, Haïti a toujours été guidée par cette politique de renforcer les liens entre les peuples d’origine africaine dans le monde. Le pays de Dessalines a toujours pris la défense  de ces peuples asservis et soumis au colonialisme, à l’esclavagisme et à l’impérialisme. Une macabre et honteuse trilogie.

Il ne faut donc pas s’étonner qu’Haïti Tomé (dont la déformation est Toma) et certains pays africains libres ou libérés de l’impérialisme et de ses avatars nourrissent ensemble le même idéal. Mais pourquoi s’étonner quand on sait que Haïti fut, et est la première république africaine, comme le mentionnait si bien le professeur N’Badiallah Bakary Diarra Boniface dans Médiamosaïque le 5 février 2010. Sa place à l’Union Africaine lui revient donc de droit.

Il est aussi temps de rectifier cette façon de dire d’Haïti qu’elle est la première république noire au lieu d’affirmer qu’elle est la première république africaine. Cela relève d’un préjugé épidermocrate que hélas nous continuons à perpétuer et à pérenniser. Pourquoi ne parle t-on pas de la Grèce comme la première république blanche ?

Pour mémoire, Benito Sylvain dit Marie Joseph d’Artagnan  fut envoyé par  Pierre Nord Alexis auprès du roi Ménélik II d’Éthiopie, pour apporter le soutien du peuple haïtien à son royaume en lutte contre l’Italie. Ce même soutien s’était manifesté  à l’égard des mouvements de libération nationale dans les colonies. Le rassemblement démocratique africain (RDA) qui regroupait plusieurs de ces mouvements (dans  les colonies dites françaises) en est un vibrant témoignage.

Haïti était la voix qui comptait véritablement à cette époque pour dénoncer  les impérialismes et les injustices à travers le monde. L’Amérique du sud a plus que bénéficié de l’aide effective et massive d’Haïti  pour sa lutte de libération face au joug espagnol. Même, les États-Unis pourtant esclavagiste n’en sont pas du reste.

Pour l’Alma mater, il suffit de se souvenir d’Émile St-Lot, l’un des soutiens indéfectibles pour l’indépendance de la Lybie, ou encore du cri d’Alfred Nemours en dénonçant l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie …. « Craignez d’être un jour l’Éthiopie de quelqu’un d’autre…. » Disait-il. Un appel à la sensibilisation des pays qui restèrent muets face à l’invasion fasciste à la tribune de la Société des Nations, l’ancêtre de l’actuelle Organisation des Nations Unies (ONU).

Le 37ème  président  d’Haïti, François Duvalier(1957-1971), fin  calculateur et cynique manipulateur de surcroit, a été l’un des dirigeants le plus attentif  aux relations haïtiano-africaines. Il avait  tissé des relations particulières avec certains chefs d’État africains, et  c’est sous sa gouverne que des milliers d’intellectuels et de cadres haïtiens se sont retrouvés en Afrique. La plupart était débauchée par les Nations Unies pour y palier le manque d’enseignants et de fonctionnaires. 

Cette période (58-66)  a été aussi celle qui a vu déferler des réfugiés politiques, fuyant la duvaliérisation et la macoutisation du pays. Mais aussi, celle qui a vu venir en Afrique des panafricanistes haïtiens soucieux de participer et de contribuer au développement des nouveaux états indépendants.

Les panafricanistes haïtiens se sont battus, bien avant les indépendances africaines, pour se réapproprier l’identité africaine de l’Ile. Le docteur Jean Price Mars en est un parfait exemple ou encore Léo Sajous, fondateur en 1931, en France, (avec la Martiniquaise Paulette Nardal et le Guyanais René Maran) de la Revue du Monde noir.

Fondateur de l’institut d’Éthnologie d’Haïti, l’oncle, comme l’appelaient affectueusement ses compatriotes, est un ardent défenseur de l’âme africaine de l’Ile. En dehors de La Dominique ou vivent les Kalinagos qui sont les derniers survivants des Premières Nations, tous les Autochtones des Caraïbes ont été purement et simplement exterminés. Les Caraïbes, malgré quelques greffes sont, quoiqu’on dise, africaines.

Leslie François Manigat (7 février 88-20 juin 88) et René Garcia Préval (7 février 96-7 février 2001-puis de nouveau 14 mai 2006-14 mai 2011) sont les deux chefs d’États haïtiens qui connaissent le mieux le continent africain. Le premier n’a pas eu le temps nécessaire pour renforcer les liens avec le continent tandis que le second, qui a vécu au Congo RDC (anciennement Zaïre), n’a pas su diversifier sa diplomatie.

Quant au président Jean Bertrand Aristide (7 février 91, puis 94 à 96 et 2001 à 2004), il avait limité sa diplomatie uniquement à l’Afrique du sud, pays qui l’avait accordé d’ailleurs l’asile, un exil doré dû à son statut.

L’Afrique à toujours été au cœur de la culture haïtienne, mais hélas pas de sa diplomatie. Seul le Benin (l’ancien Dahomey) l’un des berceaux du Vodou, entretient des relations diplomatiques de haut niveau avec le pays. Par contre on trouve plusieurs consulats des pays africains en Haïti (Benin, Côte-D’ivoire, Gabon), la plupart honoraires confiés à des nationaux ayant vécus en Afrique. De même que quelques consulats haïtiens sont répertoriés en Afrique comme au Cameroun et au Sénégal. Certaines ambassades africaines accréditées à Cuba desservent aussi Haïti, comme c’est le cas du Mali.

Le continent africain et Haïti doivent désormais développer ensemble une politique panafricaine à l’échelle internationale. Il en va de l’intérêt de toutes les diasporas africaines dans le monde, en passant de l’Océan indien à l’Atlantique et au Pacifique.

Haïti doit impérativement réorienter et repenser sa diplomatie.  Le pays doit diversifier ses relations afin de ne plus être dépendant d’une diplomatie à géométrie invariable, ou l’otage d’une diplomatie surtout condescendante et suffisante qui n’a ni respect, ni égard  à sa notoriété.  Disons-le clairement, la diplomatie occidentale d’Haïti est un lamentable échec. Et pourtant, sa diplomatie et ses engagements ont toujours été avant-gardistes.

Le soutien plus que courageux et téméraire d’Haïti aux pays africains reste certes moral, mais il vaut  plus que son pesant d’or à la lumière du contexte et de l’environnement raciste et impérialiste de l’époque.

On ne peut guère oublier aussi l’apport grandiose d’Haïti dans les Antilles. Contrairement à d’autres pays qui ont connu l’asservissement et en asservissent d’autres par la suite, Haïti a toujours été a l’écoute des autres peuples soumis et exploités dans les autres colonies des Caraïbes.

Le pays, hélas pillé et surtout ruiné par le remboursement éhonté de la dette de l’indépendance, n’avait désormais plus les moyens de sa politique. Mais c’était tout de  même la volonté et la foi de David contre la force et la brutalité de Goliath.

Haïti a une histoire glorieuse Malgré les douleurs du passé.  Cette histoire  est hélas ternie par ses propres enfants. La perle a perdu de son éclat d’antan. Son indépendance n’a jamais été pardonnée. Le parricide ne paie pas. L’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le père de l’indépendance, dit-on, hante toujours le pays. Un exorcisme, disent certains, est des plus souhaitables.

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« Tomé » vient du Fon (langue parlée au Benin). « To » veut dire « d’où l’on vient » et « Mé » signifie « Dans » (préposition), ce qui donne  « Ayiti : « Terre montagneuse (en Taïno) », « Terre mienne » – en référence : de Thomas C. Spear aux Éditions Présence Africaine).
Mais « Toma » désigne aussi un peuple habitant le golfe de Guinée. Il semblerait, selon certains, que le fondateur du pays Jean-Jacques Dessalines est issu de ce peuple (Max Beauvoir). La tradition orale Vodou Houenouho relate d’ailleurs ce témoignage. L’intelligence et la sagesse de Jean-Jacques Dessalines est de rendre hommage autant aux Premières Nations et aussi à  l’Afrique en nommant son pays « Haïti Tomé ». Jean-Jacques Dessalines, le plus grand de nous tous.
PHOTOTHÈQUE MÉDIAMOSAÏQUE (Sur l’image, à gauche, le premier chef d’État d’Haïti, l’empereur Jean-Jacques Dessalines, à sa droite, l’Île d’Haïti. À droite, le continent africain et ses différents États illustrés via la couleur de leurs drapeaux)