« Le Québec des possibles »: témoignages d’une « minorité visible »

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MONTRÉAL –  » La société québécoise est foncièrement ouverte. Elle est naturellement accueillante. Ici, la mobilité sociale ne boude pas les immigrants « , telle est la lecture du jeune avocat et journaliste, Reynaldo Marquez, qui se présente comme une « minorité visible ». Il veut joindre sa voix à celle de bien d’autres pour prendre le contrepied du discours qui tend à présenter le Québec comme un lieu où la diversité a de la difficulté à s’épanouir.

 

Le « rêve québécois » à portée de main

Dans un texte qu’il a soumis à la rédaction de l’Agence de presse Médiamosaïque, Reynaldo Marquez écrit  » Petit, je rêvais de devenir journaliste. C’est triste à dire, mais les premiers à me décourager ont été mes proches et mes amis. Ils ont souvent tenté de me « raisonner » en me disant qu’au Québec « les journaux n’embauchent pas des personnes comme toi.» Ils faisaient évidemment allusion à mes origines ethniques et à ma couleur de peau. « 

 » Et devinez quoi? Ils ont eu tort sur toute la ligne. Devinez quoi? J’ai réalisé mon rêve. En 10 ans de métier, j’ai été journaliste salarié à La Presse, au magazine d’affaires Québec Inc. et au Journal de Montréal. Parallèlement à cela, j’ai complété avec succès ma formation en droit. Je suis désormais avocat en immigration « , a-t-il avancé pour prouver que, pour la diversité,  l’ascenseur social est aussi à portée de main.

Se posant lui-même la question  » Est-ce que la couleur de ma peau a été un obstacle? », M.Marquez a répondu  » Jamais ». Il argumente et nous le citons: « Je suis pourtant pas mal foncé, croyez-moi. Les patrons des salles de presse, les patrons des cabinets d’avocats, tous ont fait fi de mon apparence. Une seule chose les intéressait : savoir si j’étais compétent ou pas. Un point, c’est tout. »

 

Les Obama du Québec

Quant à ceux qui jugent que l’origine ethnique de nos élus ou gouvernants ne représente pas la population du Québec dans sa diversité réelle, le Québécois d’origine guatémaltèque vient avec des noms et des lieux pour prouver que,  » Même le soi-disant Québec profond aime les immigrés. Le premier Barack Obama, c’est en Abitibi-Témiscamingue qu’il a été élu. Il s’appelle Ulrick Chérubin. Il est né en Haïti. Depuis 2002, il est le maire d’Amos, une ville de 13 000 habitants, à majorité blanche. Michel Adrien est un autre Haïtien. Il est le maire de la ville de Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides. « 

Reynaldo Marquez ajoute  » C’est sans compter les Dany Laferrière, François Bugingo, Nabila Ben Youssef et les autres immigrés issus de notre star système, qui sont aimés par le Québec au grand complet. » Enfin s’il admet que « Le racisme existe bel et bien », Marquez tient toutefois à préciser à qui veut l’entendre que  » ce racisme n’est pas systémique ni institutionnalisé au Québec. »

Ci-dessous la version intégrale de l’article de Reynaldo Marquez:

 

 

Le Québec des possibles
Par Reynaldo Marquez, avocat et journaliste

J’ai la peau foncée, les cheveux noirs et drus, mes yeux ont l’éclat d’une pépite de charbon. Je suis un immigré, une minorité visible, un importé. Je suis un métèque dans la cité. Mon nom en est un à coucher dehors. Né au Guatemala, je suis arrivé au Québec à l’âge de cinq ans. J’ai la mi-trentaine au moment d’écrire ces lignes.

Un vieil adage dit que le temps arrange bien les choses. Cependant, il y a une foule de choses qui résistent aux vertus réparatrices du temps qui passe. Mon apparence, par exemple.

Malgré toutes mes années ici, le temps n’a jamais réussi à pâlir ma peau. Je suis encore bien loin de ressembler à un « Québécois de souche », pour reprendre cette pittoresque expression. Si bien que les gens qui m’abordent dans la rue le font parfois avec une certaine hésitation. « Parlez-vous français? »
Voilà la toute première question qu’ils me posent avant même de requérir des indications pour retrouver leur chemin.

Il arrive aussi qu’on m’adresse la parole en anglais, à moi; un enfant de la Loi 101.
Encore aujourd’hui, pas un jour ne passe sans que je tombe sur des articles de journaux, des reportages télé ou des rapports sur le web concernant les difficultés qu’éprouvent les immigrants à s’intégrer, à se trouver un emploi et qui dénoncent la discrimination dont ils sont victimes.

Ce discours, je l’entends aussi dans la bouche de mes amis immigrants. Et j’en ai ras le bol. J’en ai ras le bol d’entendre ce discours misérabiliste qui imprègne le débat actuel sur l’intégration des immigrants au Québec. Parfois, ce discours me lève le coeur, tellement il fait une belle place aux difficultés vécues par les nouveaux arrivants. Rien n’est dit de leur réussite. Leur succès est passé sous silence.

Bref, ce discours me dégoûte parce qu’il laisse faussement croire qu’il est impossible de réussir au Québec lorsqu’on est immigré. Pire, il suggère que la société québécoise est d’une intolérance crasse. Or, la réalité est tout autre. Je le sais parce que je la vis, je la vois. Et il est grand temps de faire entendre une autre voix dans ce débat.

Petit, je rêvais de devenir journaliste. C’est triste à dire, mais les premiers à me décourager ont été mes proches et mes amis. Ils ont souvent tenté de me « raisonner » en me disant qu’au Québec « les journaux n’embauchent pas des personnes comme toi.» Ils faisaient évidemment allusion à mes origines ethniques et à ma couleur de peau.

Et devinez quoi? Ils ont eu tort sur toute la ligne. Devinez quoi? J’ai réalisé mon rêve. En 10 ans de métier, j’ai été journaliste salarié à La Presse, au magazine d’affaires Québec inc. et au Journal de Montréal. Parallèlement à cela, j’ai complété avec succès ma formation en droit. Je suis désormais avocat en immigration.

Est-ce que la couleur de ma peau a été un obstacle? Jamais. Je suis pourtant pas mal foncé, croyez-moi. Les patrons des salles de presse, les patrons des cabinets d’avocats, tous ont fait fi de mon apparence. Une seule chose les intéressait : savoir si j’étais compétent ou pas. Un point, c’est tout.

Même le soi-disant Québec profond aime les immigrés. Le premier Barack Obama, c’est en Abitibi-Témiscamingue qu’il a été élu. Il s’appelle Ulrick Chérubin. Il est né en Haïti. Depuis 2002, il est le maire d’Amos, une ville de 13 000 habitants, à majorité blanche. Michel Adrien est un autre Haïtien. Il est le maire de la ville de Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides.

C’est sans compter les Dany Laferrière, François Bugingo, Nabila Ben Youssef et les autres immigrés issus de notre star système, qui sont aimés par le Québec au grand complet.

Pour paraphraser l’écrivaine québécoise Nadine Bismuth, je dirais que « nous sommes partout ». Au bureau, à l’épicerie, sur les ponts, dans nos voitures, dans le métro, sur nos balcons, à vélo, à la banque, à l’aéroport. Que nous soyons diplômés, autodidactes, noirs, rouges, jaunes ou blancs, minces, gros, ça ne change rien à l’affaire : nous sommes des immigrés qui avons réussi notre intégration.

Je ne suis pas dupe. Le racisme existe bel et bien. Tapis dans l’ombre, il me regarde. Par contre, ce racisme n’est pas systémique ni institutionnalisé au Québec. Eh oui, beaucoup d’immigrants éprouvent d’énormes difficultés à s’intégrer. Mais malgré tout, un constat s’impose : la société québécoise est foncièrement ouverte. Elle est naturellement accueillante. Ici, la mobilité sociale ne boude pas les immigrants. Telle a été mon expérience, du moins.

Voilà ce qui me fait dire que nous vivons dans le Québec des possibles.

 

 

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