QUESTION: Mme Yolande James*, on sait que le programme spécial de parrainage humanitaire devait prendre fin le 31 décembre prochain, mais vous décidez de l’arrêter unilatéralement du jour au lendemain?
YOLANDE JAMES: Tout d’abord, M.Jean*, rappelez-vous, lors de la conférence de presse du 3 février dernier, j’ai annoncé la modification de la notion du regroupement familial qui devait permettre à 3 000 personnes de plus d’arriver au Québec. À ce moment-là, nous avions dit que nous allons prendre le temps pour bien évaluer les dossiers, parce qu’on acceptera un maximum de 3000 et que le programme prendrait fin, soit au 31 décembre 2010 ou bien au moment où l’on atteindrait 3 000 acceptations ou 3 000 personnes qui pourront bénéficier du programme.
On a entendu toutes sortes de choses par rapport à ce programme-là, pourtant on accuse un faible taux de refus. Comme on avait dit, on a reçu les demandes jusqu’au 20 juillet. On a suspendu la réception des demandes parce qu’on va atteindre notre objectif de 3000.
QUESTION: Donnez-vous la garantie que les dossiers qui ont été déposés entre le 12 et le 20 juillet ne seront pas jetés à la poubelle?
YOLANDE JAMES: On le fait en toute transparence, tous les dossiers reçus à cette date-là seront traités.
QUESTION: Votre décision, Mme James, certains estiment qu’elle est cavalière, le fait de l’annoncer à seulement huit jours de votre nouvelle date butoir, la fin de ce programme? Il a été question, Mme la ministre, jusqu’à votre conférence de presse du 12 juillet, que le programme allait être clos au mois de décembre 2010, n’est-ce pas?
YOLANDE JAMES: Non, je vous demanderais bien de bien revoir ce qui a été annoncé lors de la conférence de presse le 3 février, j’ai très clairement expliqué qu’on allait accepter jusqu’à 3 000 personnes ou le 31 décembre ou celui qui arrivait le premier. Donc c’est la raison pour laquelle on met fin à la réception des demandes le 20 juillet compte tenu du nombre de demandes que l’on reçoit, le taux de faible refus. Et on a ajouté du personnel pour faire le traitement parce que cela crée un précédent et si on prendrait la décision de prolonger ça jusqu’au 31 décembre, comme vous le dites, ça serait irresponsable de notre part.
QUESTION: Mais, ce n’est pas moi qui le dis, Yolande James, c’est l’information qui a été diffusée et c’est que tout le monde avait compris, à savoir que que les gens avaient jusqu’au 31 décembre pour déposer leurs dossiers!
YOLANDE JAMES: Je vous suggère de revenir à ce qui a été annoncé lors de ma conférence de presse du 3 février dernier et j’avais dit que c’était 3 000 personnes qu’on allait accepter.
QUESTION: Il y a des gens à qui on a parlé Mme James qui assimilent cette décision du gouvernement libéral à un manque d’égard, un manque de respect envers la communauté haïtienne. Qu’en pensez-vous?
YOLANDE JAMES: Écoutez, je me rappelle très bien de l’article de «Média Mosaïque» qui avait titré «un cadeau empoisonné à la communauté haïtienne». On a entendu toutes sortes de choses de la part de certaines personnes qui estimaient que c’était difficile de répondre aux critères. Je pense que si on a eu la quantité de demandes qu’on voulait jusqu’au 20 juillet, ça démontre que le programme était correct.
On aimerait bien donner la chance à tout le monde, mais vous savez quand fait partie d’un gouvernement, les décisions que l’on prend doivent être responsables. Je peux comprendre la déception que cela peut créer, mais il n’y a aucune autre juridiction dans le monde qui a mis de l’avant un tel programme, c’est le gouvernement du Québec qui l’a fait, qui a accepté que 3 000 Haïtiens, en plus des Haïtiens qui arrivent dans le cadre régulier du regroupement familial, rentrent au Canada.
QUESTION: On peut comprendre tout ça, mais quand vous annoncez aux gens qu’un programme, qui devait normalement s’achever au 31 décembre, va prendre fin dans 8 jours… Vous savez qu’Haïti n’est pas un pays du G8. Vous n’ignorez pas ce que ça prend, même en temps normal, pour se procurer les pièces d’identité en Haïti (passeport, acte de naissance, etc.) Imaginez que tout s’est écroulé le 12 janvier, ça rend les choses beaucoup plus compliquées pour les gens d’Haïti et pour la communauté haïtienne d’ici également!
YOLANDE JAMES: On est bien conscients de tout ça. C’est la raison pour laquelle on avait pris la décision d’accompagner les gens parce qu’on savait qu’il n’y avait moyen de confirmer les titres, d’établir des preuves de liens de parenté avec les personnes qu’on souhaite parrainer. On les a accompagnés, on a mis des moyens additionnels pour aider les gens dans ce processus-là.
QUESTION: Est-ce qu’il y a des raisons politiques inavouées ou inavouables dans cette décision?
YOLANDE JAMES: Quelle décision?
QUESTION: Cette décision d’arrêter le programme de façon aussi subite comme ça?
YOLANDE JAMES: La seule raison qu’on a : regardez les statistiques! On a atteint notre objectif de 3 000 personnes, point! On a pris un en engagement d’accepter un maximum de 3 000 personnes. Vous savez M.Jean, je vous invite encore une fois à la conférence du 3 février et on a été très clair et que l’on avait dit que ce nombre devrait tenir compte de notre capacité d’intégrer les gens.
QUESTION: Mais, le seul petit problème Mme James, c’est que dans la tête des gens, il a été aussi très clair, vous leur aviez dit que le programme allait s’achever au 31 décembre. Et je peux vous citer mot pour mot . Vous aviez dit: «c’est pas une question de premiers arrivés, premier servis!
YOLANDE JAMES: Exactement, exactement, vous avez raison de dire ça. J’ai bien dit que ce n’était pas « premiers arrivés, premiers servis ». C’était dans les premiers jours après l’annonce du programme, vous comprendrez qu’on est à environ 5 mois de l’existence du programme. Et j’avais dit à ce moment-là que le programme allait prendre fin, soit lorsqu’on aura reçu les 3 000 demandes, soit le 31 décembre. Il n’y a pas de surprise…
QUESTION: Ah bon, il n’y a pas de surprise Mme James?
YOLANDE JAMES: Oui, il n’y a pas de surprise. Quand je dis qu’il n’y a pas de surprises, ça veut dire que je n’ai pas inventé le chiffre de 3000-là.
QUESTION: Mais le fait de le stopper aussi brutalement, quand on sait que les Québécois ont sympathisé avec les Haïtiens, ont donné autant d’argent, et c’est historique, pour venir en aide aux sinistrés. Et, à notre connaissance, il n’y a aucun groupe xénophobe qui manifeste publiquement son désaccord avec votre programme, qu’est-ce qui se passe? Et, savez-vous que même pour déposer les demandes ça peut exiger jusqu’à 1 000 dollars ou plus dans le cas de certains qui doivent parrainer 4 personnes ou plus, tout se fait sur budget ici, qu’est-ce que vous répondez à ces gens?
YOLANDE JAMES: Je peux comprendre que les gens aient des difficultés pour toutes sortes de raisons. Mais, j’aurais aimé faciliter les choses pour tout le monde, mais rappelez-vous le 3 février j’avais annoncé qu’on allait accepter 3 000 personnes. C’est notre capacité à intégrer ces gens.
QUESTION: Vous estimez que ce n’est pas une décision cavalière?
YOLANDE JAMES: Non! Écoutez, on reçoit près de 90 demandes par semaine. Avec le nombre de certificats de sélection déjà émis, une décision cavalière serait, à mon sens, de laisser ça aller, de continuer de recevoir des demandes en laissant entendre aux gens que leurs demandes seraient acceptées, en leur laissant défrayer des coûts, en sachant très bien qu’on a déjà atteint notre objectif de 3000, à mon sens c’est ce qui serait une décision cavalière M. Jean. Voilà pourquoi, je tiens à donner l’heure juste aux gens en leur disant très clairement voici la situation.
QUESTION: Selon vous, vous ne pensez pas que les gens puissent considérer cela comme un camouflet de la part de votre gouvernement à l’endroit de la communauté haïtienne?
YOLANDE JAMES: Je peux vous dire, M. Jean, quand on regarde l’immensité de ce désastre-là, à quel point les gens ont souffert et continuent à souffrir, et c’est sûr que le gouvernement continue d’être présent pour accompagner dans le cadre de la reconstruction et l’immigration et autres choses.
Je ne sais pas qu’est-ce que vous laissez entendre par votre question. Je crois que l’effort et le sentiment qui sont derrière ça, c’est vraiment dans un esprit d’aider les gens et concrètement quand on regarde les faits, il y a 3 000 personnes de plus qui vont arriver au Québec qui n’auraient pas pu le faire sans l’existence de ce programme-là. Je pense que ça fait preuve de notre volonté d’aider la communauté haïtienne.
QUESTION: Média Mosaïque vous remercie Mme James
YOLANDE JAMES: Merci Média Mosaïque.
EN GUISE DE RAPPEL:
Vérifiez le communiqué officiel du MICC annonçant le lancement dudit programme
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*PHOTO Cr PC: Yolande James, avocate de profession, est la ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles et de la Famille du Québec.
*Donald Jean est journaliste à l’Agence de presse «Média Mosaïque»