Saintelmy: Hélène Parent, «féconde en réthorique», stérile en «statistiques»

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Insatisfait, Wilson Saintelmy n’hésite pas à parler d’«irrecevabilité sur le plan substantiel» la réponse d’Hélène Parent de Radio-Canada à sa lettre ouverte. Dans un deuxième courrier à l’endroit de celle-ci, ce dernier persiste et signe en réclamant de sa part, rien d’autre que des statistiques. Ce qui pourrait, à son avis, symboliser le «point de départ pour mieux apprécier nos progrès dans le futur».

Toutefois, l’auteur de la lettre qui suit n’a pas manqué de vanter paradoxalement l’«élégance formelle et relationnelle» de la directrice de «Diversité à l’antenne» de la SRC. Il salue le fait que celle-ci ait pris la peine de répondre publiquement à ses interrogations formulées dans sa démarche épistolaire initiale du 8 mars consécutive à une entrevue accordée quelques jours plus tôt par Mme Parent à l’Agence de presse «Média Mosaïque».

Si Wilson Saintelmy admet que la «rhétorique (d’Hélène Parent) paraît légitime et féconde», en revanche, il déduit que sa «réponse n’est qu’une version romancée du même menu suranné et indigeste que la SRC a l’habitude de servir aux communautés ethnoculturelles et ce, depuis au moins deux décennies». Ci-dessous la lettre de Wilson Saintelmy.

 

 

Deuxième lettre ouverte à Hélène Parent, directrice de «Diversité à l’antenne» à la SRC

 

Madame Parent,

J’ai lu votre lettre du 15 mars dernier publiée par « Média Mosaïque » et ce,  avec autant d’intérêt et de respect que vous l’avez fait pour la mienne. Je m’incline devant votre élégance formelle et relationnelle. Je salue votre détermination à bien représenter la SRC auprès des Communautés culturelles.  Sur ce point précis,  votre lettre est porteuse d’un vent d’optimisme et ce, en dépit de son irrecevabilité sur le plan substantiel.  

Elle appréhende l’avenir de Radio-Canada à  travers celui des Communautés culturelles.  De la perspective de la SRC,  votre rhétorique paraît légitime et féconde. Elle demeure, cependant, inadéquate pour induire la rupture idéologique et culturelle suggérée par vos propos. Elle s’inscrit davantage dans une logique de relations publiques et escamote les enjeux fondamentaux abordés dans ma correspondance. 

Par delà sa rhétorique,  votre réponse n’est qu’une version romancée du même menu suranné et indigeste que la SRC a l’habitude de servir aux communautés ethnoculturelles et ce, depuis au moins deux décennies. Mon questionnement s’inscrit dans une toute autre logique. Celle de l’imputabilité et de la transparence. Le long détour narratif que vous avez emprunté ne dispense nullement la SRC de ses obligations de rendre des comptes à travers la divulgation des statistiques demandées.  Au lieu de fournir de telles statistiques, vous avez opté pour une tactique d’évitement. Cette posture contraste avec le verbatim ostentatoire et  affirmatif de votre entrevue du mois de février dernier à l’Agence « Média Mosaïque ».  

Une telle posture est tout aussi inacceptable pour les Communautés ethnoculturelles qu’elle est discréditante pour la SRC. La transparence et l’imputabilité sont, dans les circonstances,  les meilleures défenses de nos causes respectives; tout comme elles peuvent servir de passerelle vers un avenir commun, sinon, une meilleure compréhension des défis à relever ensemble. 

Il est impératif que vous soyez l’ambassadrice des Communautés culturelles auprès de la SRC et non l’inverse telle le laisse supposer votre lettre réponse. Il est tout aussi impératif que la SRC appréhende l’avenir de nos Communautés culturelles à travers le sien et non l’inverse. Le contraire dégage une odeur d’opportunisme et de réactivité. Les récentes données et tendances démographiques publiées par Statistique Canada ne doivent pas servir d’acte de naissance aux Communautés ethnoculturelles. Celles-ci  les précèdent. La SRC n’avait pas besoin de Statistique Canada pour s’en rendre compte si elle n’était aveuglée par son paradigme soixantard de la société québécoise.       

Contrairement au passé,  il est désormais impérieux que la SRC se transforme en miroir de notre société, s’érige en avant poste  du changement social et incarne  la façade institutionnelle du multiculturalisme canadien. Statutaire, cette dernière obligation émane de  La loi cadre de la SRC. Elle se greffe au cadre juridique canadien en matière d’égalité et d’équité d’emploi. À cette double assise normative, s’ajoute la dynamique démographique du pays telle que captée et anticipée par les récentes statistiques publiées par Statistique Canada. Les enjeux normatifs soulevés ci-dessus m’amènent à vous poser à nouveau les deux questions suivantes.

1) Tenant compte des progrès soulignés dans votre lettre-réponse, jusqu’à quel point le service français de la SRC et la SRC elle-même se conforment-ils à leurs obligations statutaires et au cadre normatif canadien en matière d’équité d’emploi, de multiculturalisme et de multiracialité?

2) La SRC s’objecterait-t-elle à ce que la Vérificatrice générale du Canada intègre le cadre juridique canadien en matière d’équité d’emploi,  de multiracialité et de multiculturalisme dans son audit? Accepterait-elle que le CRTC en fasse également une condition du renouvellement de sa licence?  

Ce serait-là une caution pour rendre irréversibles et crédibles les engagements et promesses formulés dans votre lettre. Dans le but précis de rendre justice à la SRC pour les progrès qu’elle aura accomplis au terme de l’horizon temporel de sa nouvelle stratégie, il y a lieu de se donner quelques repères de départ, question de transparence informationnelle. À cette fin,  j’aimerais vous poser deux autres questions. Les réponses à ces deux questions nous permettront d’éliminer ex ante toutes suspicions aussi bien sur les intentions que sur la véracité des résultats escomptés de la nouvelle stratégie de la SRC.

3) Quel est le poids relatif des employés du Service français de la SRC issus des minorités visibles par rapport aux catégories suivantes: Employés permanents (%) ? Contractuels (%)? pigistes et temporaires (%)?  Population du Québec (%)? Population montréalaise (%)? Population canadienne (%)?  Est-ce possible d’avoir les mêmes ratios mais pour les Communautés culturelles en général?

4) Quel est le poids  exprimé en pourcentage  des Communautés ethnoculturelles au niveau de la création artistique?  De la production? De la programmation?   Des opérations?   Dans la composition (a) du conseil d’administration de la SRC? (b) De la haute direction? (c) Du personnel d’encadrement? (d) Du personnel technique et de soutien? (e) De la présence à l’écran? (f) de l’équipe journalistique? 

Il est essentiel, Madame Parent, que nous sachions notre point de départ pour mieux apprécier nos progrès dans le futur et,  le cas échéant, assumer la responsabilité d’un éventuel échec. Une institution de la trempe de la SRC ne peut ignorer cela; tout comme une gestionnaire de votre envergure et de votre intelligence ne saurait accepter un mandat sans balises et sans repères, livrée ainsi désarmée à l’arbitraire d’une évaluation implacable de votre performance.

Avant de conclure, j’aimerais insister sur le fait que je ne suis animé que d’un seul et unique objectif: Aider la SRC à mieux s’arrimer sur son environnement sociétal à l’instar de CNN et à l’image de nos universités, cégeps et institutions scolaires. Les statistiques demandées à travers le questionnement ci-dessus peuvent être le point de départ d’un consensus pour réussir ensemble, légitimer les résultats et prévenir toutes mésintelligences quant à leur interprétation. 

Je demeure optimiste quant à votre esprit de coopération et de transparence. Sur ce, je vous remercie d’avance pour votre diligence et  vous réitère, Madame Parent, ma plus grande estime.

 

Wilson Saintelmy                                                                                                             

Expert en gouvernance

 
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PHOTO MEDIAMOSAIQUE.Com  (Hélène Parent, en haut, à gauche, est directrice à l’antenne à Radio-Canada, à droite, Wilson Saintelmy, auteur de la lettre ouverte)