Patrick St Éloi était un passionné d’Haïti (Adler ARISTILDE*)

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Patrick St Éloi : humble et généreux, le maître du Zouk-love

Toute sa vie, Patrick St Éloi, le musicien, a été presque indissociable du groupe Kassav – ceci malgré une voix unique et un succès immense en solo se traduisant par la publication d’une bonne douzaine d’albums. St Éloi a d’ailleurs quitté le groupe antillais en 2002 pour se consacrer entièrement à ses projets. N’empêche que son décès soit l’une des rares occasions où il ne fait pas étrange de parler de lui au singulier.

C’est qu’en dépit d’un talent qui le distingue de ses pairs, il fut un musicien humble et généreux qui n’a jamais cherché à se projeter à l’avant, par de l’arrogance ou à travers les frasques ridicules qu’on reconnait à certaines vedettes contemporaines, comme si le statut de choriste qu’il avait au début des années Kassav reflétait davantage sa personnalité et sa zone de confort.

Le public l’adorait, surtout les femmes, et il le savait, mais il laissait volontiers le devant de la scène à Jocelyne Berroard, à Jean-Phillipe Marthély ou à Jacob Desvarieux. Jusqu’au moment où venait son tour d’interpréter une de ces magnifiques mélodies Mistè la vi ya ou encore An ba tol la. Avec ou sans Kassav, ses fans s’en donnaient à cœur joie…

Ma rencontre avec Kassav et le maître du Zouk love

J’ai eu le plaisir d’interviewer Patrick St Éloi à Paris au printemps 1999 et j’en garde un si merveilleux souvenir… Je préparais une émission commémorative des 20 ans de Kassav pour une radio de Port-au-Prince à l’époque, et c’est avec grand bonheur que j’ai appris que j’allais pouvoir rencontrer les étoiles du groupe à la suite d’une activité vente-signature dans une salle culturelle de la capitale française.

Jocelyne était absente à mon grand désarroi (j’adorais Jocelyne), Jean Philippe Marthély était en retard, et je devais suivre Jacob à travers les couloirs pour lui expliquer pourquoi j’étais là. Jacob a fini par s’asseoir pour répondre à quelques questions, mais seulement en attendant qu’arrive la maquilleuse de France Télévision qui devait le préparer en vue d’une apparition télévisée.

J’ai agacé M. Desvarieux plus encore lorsque j’ai évoqué la comparaison Zouk-Konpa et sa thèse bizarre, déjà énoncée auparavant, à savoir que les musiciens haitiens sont plus créatifs, probablement parce qu’ils dépendent de leur musique pour manger à leur faim, contrairement aux Martiniquais et Guadeloupéens. Il avait quand même nuancé ses propos cette fois-là pour dire que les Haïtiens sont meilleurs musiciens pour beaucoup d’autres raisons aussi, incluant la démographie, et qu’il avait beaucoup de respect pour eux.

 

Une conversation mémorable avec Patrick

Cette discussion fait contraste avec la conversation riche et agréable que j’ai eue avec Patrick St Éloi. Il était généreux de son temps, volubile et enjoué. Il m’a parlé du processus de création de ses textes idylliques et ses douces mélodies, décrit son attachement à Haïti, son admiration pour Tabou Combo, et sa collaboration avec plusieurs musiciens haïtiens, notamment les frères Pasquet et les virtuoses de Zèklè. Le tout, sur un ton souriant et charmeur, et des gestes sympathiques de la main gauche, un peu comme lorsqu’il chante sur scène.

Il était plein de projets à l’époque et semblait enthousiaste de les poursuivre. Trois ans plus tard, il quittait Kassav pour se concentrer sur sa carrière solo. Les albums Swing Karaib (2002), Plézi (2005), Zoukolexion (2007), Zoukolexion Vol 2 (2009) publiés dans l’intervalle indiquent qu’il a travaillé avec acharnement.

St-Éloi s’est démarqué par sa voix unique et par sa classe. Même si sa carrière et sa voix sont immortalisées sur disque et dans nos mémoires à travers des titres comme Rèv an mwen, A la ou ye, Pa bizwen pale et Manman Kreyòl, cette star de la chanson antillaise va beaucoup nous manquer.

 

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http://www.youtube.com/watch?v=hxu1l7qOVhk

*Adler Aristilde
Journaliste et animateur de musique à Port-au-Prince de 1994 à 2001.

PHOTO MEDIAMOSAIQUE.Com/ (Patrick St-Éloi sur la pochette de son album Zoukolexion (Vol 2) paru en 2009)