QUÉBEC (MÉDIAMOSAÏQUE) – La plus jeune députée de toute l’histoire politique du Québec, Catherine Fournier, vient de faire ses adieux au Parti Québécois! La flamme indépendantiste de la lauréate du Lys Politique 2017 des Grands Prix Mosaïque demeure toutefois vive, si l’on se fie à la déclaration qu’elle a publiée ce matin dans la presse.
Ci-dessous le texte de la déclaration de Catherine Fournier
Vous savez, si j’ai fait le choix de m’engager en politique aussi tôt dans ma vie, c’est pour une raison toute simple. Je suis une passionnée du Québec et je suis profondément convaincue que nous, Québécois, avons tout à gagner à gérer nos propres affaires par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Je veux que nous puissions voter toutes les lois qui régissent notre territoire, contrôler tous les impôts que nous payons pour les investir selon nos priorités et signer tous les traités qui nous lient aux autres nations de la planète. Je veux qu’en affirmant notre identité haut et fort, nous soyons un modèle pour la diversité culturelle dans le monde, un rempart contre l’uniformisation, et que nous maximisions notre influence positive à l’échelle internationale pour contribuer à relever les grands défis de notre siècle.
Cette conviction est d’ailleurs toujours largement partagée dans la population. Bon an mal an, les sondages nous montrent qu’encore aujourd’hui, malgré une absence de réel débat de fond depuis bientôt 25 ans sur la question nationale, près de 35% des électeurs sont toujours favorables à la souveraineté, soit un appui similaire à ce qu’il était à l’aube du référendum de 1995, qui a pourtant vu l’option du OUI frôler la majorité. C’est dire combien l’indépendance du Québec demeure ancrée dans la tête et dans le cœur de centaines de milliers de Québécois. Cela montre bien que malgré les vents contraires qui ont soufflé ces dernières années, le peuple, lui, n’a jamais renoncé.
Cela dit, aujourd’hui, les souverainistes se retrouvent en nombre quasi-égal au Parti Québécois et à la CAQ, un certain nombre est aussi à QS, mais ils sont également nombreux dans le lot des abstentionnistes qui ne voient malheureusement même plus l’intérêt de voter.
On ne peut pas blâmer les souverainistes pour cette dispersion et ce désengagement, alors que c’est le mouvement lui-même qui s’est fragmenté, à coup de luttes intestines, de stratégies électorales mal avisées et de trop nombreux changements de cap.
Pendant ce temps, le vaisseau-amiral qu’est censé être le Parti Québécois a ignoré les signaux d’alarme, alors que de très nombreux Québécois ayant voté OUI en 1995 ont
perdu espoir que le pays puisse un jour se réaliser et que d’autres se sont mis à douter d’une option qu’ils avaient auparavant épousée. C’est sans compter les plus jeunes qui n’ont simplement jamais été impliqués dans la construction de ce grand projet de société.
Les souverainistes d’aujourd’hui souhaitent évidemment toujours que le Québec devienne un pays, dans l’absolu. Seulement, plusieurs d’entre eux croient que ça n’arrivera pas, que le Parti Québécois ne sera jamais capable de réaliser l’indépendance, ce qui explique en bonne partie pourquoi ils votent justement de moins en moins pour lui. Avouons qu’il y a là un paradoxe existentiel.
Le Parti Québécois a manifestement sous-estimé les conséquences des défaites référendaires de 1980 et 1995 combinées. Des défaites électorales récurrentes et toujours plus importantes ont ensuite contribué à miner cette confiance de la population quant à la capacité du Parti Québécois d’accomplir l’objectif pour lequel il a été créé : réaliser l’indépendance du Québec.
À force de perdre, le Parti Québécois est devenu perdant. Du même coup, il a aussi perdu beaucoup de sa pertinence. C’est logique : après tout, pourquoi voter pour un parti incapable de réaliser le projet pour lequel il a été fondé? Qu’est-ce que ça donne?
C’est peut-être tabou de le dire, mais j’invite mes amis péquistes à se poser réellement la question. Soyons lucides. Je sais que je dis aujourd’hui tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
Ma démarche se voulant constructive et tournée vers l’avenir, je ne souhaite pas m’étendre sur les nombreuses raisons de ces défaites répétées. Je tiens néanmoins à ajouter qu’il faut cesser de blâmer les autres pour nos erreurs et plutôt assumer nos responsabilités.
Reconnaissons maintenant que pour renverser cette situation, le mouvement souverainiste a besoin d’un véritable électrochoc.
La dispersion doit cesser. Le réel rassemblement des forces est essentiel à la victoire. Ce qu’il faut donc, c’est rebâtir la coalition, pour qu’elle arrive à regrouper les souverainistes de tous les horizons autour d’un plan crédible, concret et réalisable pour réussir à faire du Québec un pays. À la lumière des événements des dernières années, cela ne pourra vraisemblablement se réaliser qu’en terrain neutre des chicanes partisanes contre- productives. Nous devons remettre sur pied un mouvement qui, par sa force d’innovation et de ralliement, pourra aller jusqu’où les autres ne sont pas arrivés.
Le Parti Québécois a déjà incarné cette grande coalition et su porter le flambeau du projet de pays jusqu’aux portes de la victoire : c’est déjà extraordinaire et on lui doit beaucoup pour ça. Les souverainistes ont fait énormément de chemin avec lui. Près de vingt-cinq ans après le dernier référendum, il faut simplement admettre que nous avons maintenant besoin d’un mouvement adapté à notre époque pour franchir la dernière étape.
Les idéaux que porte le Parti Québécois depuis sa création sont trop importants, trop fondamentaux pour qu’on leur laisse subir tranquillement le même sort que la formation politique censée les véhiculer. C’est pour tout ça que j’en suis arrivée à la conclusion que la meilleure façon d’honorer le Parti Québécois, ainsi que les femmes et les hommes qui s’y sont investis, est de s’assurer de donner un nouveau souffle à ces idées.
Au terme d’une grande et profonde réflexion que j’ai entreprise l’automne dernier, à la suite des multiples discussions que j’ai eues depuis plusieurs mois avec des dizaines de souverainistes de toutes allégeances, je suis convaincue que l’avenir de ces idées est ailleurs et que cet « ailleurs » peut et doit exister. C’est ce à quoi je m’engage à travailler. À terme, si nous voulons mener à bien notre projet, il faudra que tous les souverainistes embarquent dans le même bateau.
Pour que ce rassemblement puisse se concrétiser, il faut dès maintenant pouvoir s’élever au-dessus de la mêlée des joutes partisanes actuelles pour définir un nouvel espace politique. C’est seulement ainsi qu’on pourra être en mesure de rallier plus largement. C’est pourquoi j’ai décidé que je siégerai désormais à titre de députée souverainiste indépendante. Il s’agit d’une question de transparence et de sincérité, pour me donner les coudées franches dans cette démarche.
Le 1er octobre dernier, j’ai été réélue dans une lutte électorale assez chaudement disputée. C’est pour moi un immense privilège et je tiens encore une fois à remercier de tout cœur mes concitoyens de Marie-Victorin pour cet appui. Je sais que ce qui a fait une différence, c’est la confiance en la relève politique que je représente pour eux. J’y vois une responsabilité à saisir : celle de faire preuve d’audace et de contribuer au meilleur de mes capacités à assurer la suite du projet souverainiste, un idéal partagé par tant de mes concitoyens et appuyé d’élection en élection, même en ces temps plus difficiles.
Depuis le 1er octobre, dans toutes mes interventions publiques comme privées, j’ai ainsi réitéré l’importance pour le Parti Québécois de se poser toutes les questions, même les plus dures.
La vérité, c’est que le Parti Québécois a cessé d’attirer et de se renouveler. Trop de Québécois ne l’écoutent plus. A contrario, le projet souverainiste, lui, continue de susciter espoir et adhésion. Les jeunes y sont d’ailleurs très ouverts, pour autant qu’on prenne la peine de les écouter. C’est ce que j’ai constaté l’an dernier dans ma tournée des cégeps et des universités, où j’ai pu en discuter avec plus de 2 000 étudiants de partout au Québec.
À cet effet, l’incapacité du Parti Québécois à rejoindre cette génération montante est éloquente. Mettre au monde un pays, c’est un projet éminemment d’avenir. On ne peut penser le faire sans les jeunes. Ma génération et celles qui viennent doivent être au cœur de l’action politique du mouvement souverainiste. Et nous cherchons justement une nouvelle façon de faire les choses, une vision d’avant-garde ancrée dans les enjeux qui jalonneront la société québécoise de demain, comme la lutte contre la crise climatique et la construction d’un meilleur vivre-ensemble, pour ne nommer que ça.
Pour ceux qui sont attachés à l’institution que représente le Parti Québécois, il peut être difficile d’accepter que nous en soyons rendus là, et je suis du lot. Je suis fière d’avoir été une députée du Parti Québécois, même si l’avenir m’amène aujourd’hui à penser que la suite doit se construire à l’extérieur de lui. Le Parti Québécois a fait de très grandes choses pour le Québec, pour notre identité collective, et il a amélioré la vie des Québécois à bien des égards. Je tiens d’ailleurs à souligner le travail colossal accompli par les militants d’hier et d’aujourd’hui depuis plus de 50 ans et le soutien incroyable des membres à travers toutes ces années. La cause aura toujours besoin de vous. Ce qui doit cependant compter, ce qui doit primer, ce n’est pas le véhicule, ce sont les idées.
Il devient parfois nécessaire de brasser les choses et de forcer le jeu, à défaut de quoi on fait souvent du surplace. C’est le sens du geste que je pose aujourd’hui.
Il ne sert à rien de vouloir désespérément sauver le tronc ou les branches d’un arbre en train de dépérir. L’important, c’est d’en sauver les racines pour repartir sur quelque chose de nouveau avec des assises solides. René Lévesque l’écrivait lui-même dans ses mémoires en parlant des partis politiques appelés à durer, et je le cite:
« Peu importe les chirurgies plastiques qui prétendent lui refaire une beauté, ce ne sera plus un jour qu’une vieillerie encombrant le paysage politique et empêchant l’avenir de percer ».
Cet avis était partagé par bon nombre de ses collègues d’antan, tout comme il l’est toujours aujourd’hui. Je tiens d’ailleurs à souligner la présence de monsieur Pierre Marois, premier député de Marie-Victorin et ministre sous le gouvernement Lévesque. Merci d’être à mes côtés. Notre projet transcende les générations.
Malgré le caractère évidemment hautement émotif de ma décision d’aujourd’hui, je suis débordante d’enthousiasme pour la suite des choses, car je suis convaincue que c’est en repartant ainsi de la base et en retrouvant des consensus, que nous pourrons redonner du souffle à notre mouvement et le porter plus loin que jamais, jusqu’à l’atteinte de notre objectif commun, qui ne sera, en fait, que le commencement.
Cette démarche comporte certes un risque et j’en suis consciente, mais au point où nous en sommes, appelons cela un risque calculé! On ne pourra jamais gagner sans se rassembler. Il faut le dire. Il faut le faire.
Les souverainistes se comptent toujours en millions au Québec et les militants, en dizaines de milliers. C’est énorme. Nous devons nous remettre en action, mobiliser et réhabiliter la fierté et l’ambition d’êtres maîtres chez nous.
J’invite tous ceux qui partagent ces constats à s’unir pour qu’on puisse écrire la suite, ensemble. Parce que ce n’est pas la fin, c’est plutôt l’avenir qui doit finalement percer.
Merci.
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