P. Salomon: «il faut récompenser ou punir Yolande James»

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QUESTION: M. F. Patrick Salomon*, vous qui aviez reçu plein de monde à votre bureau et aviez aidé les gens à remplir les formulaires, c’est comment vous réagissez à la suspension de ce programme par la ministre de l’Immigration?  

PATRICK SALOMON: Je pense que c’est un manque de respect envers la communauté haïtienne. Quand un gouvernement prend une décision, il faut qu’il le respecte, parce que la ministre avait clairement dit que le programme se termine le 31 décembre, il ne faut pas que les gens se pressent pour remplir les formulaires parce que ce ne sont pas les premiers arrivés qui seront les premiers servis. Donc, elle a été très claire, je pense que c’est irresponsable de sa part, du caucus libéral, du premier-ministre et de son gouvernement, d’agir de la sorte. 

 

QUESTION: Comment les gens que vous aviez aidés ont vécu cette mesure-là?

PATRICK SALOMON: Les gens étaient complètement déboussolés après avoir entendu Mme James annoncer une telle décision parce qu’ils ne pouvaient pas comprendre ce revirement de la ministre qui avait dit clairement qu’il faut prendre le temps qu’il faut pour remplir les formulaires, d’autant plus que le pays venait de subir cette catastrophe et que c’était très difficie pour les gens de trouver les pièces (passeports, certificats de naissance et tralala).

Elle pourrait dire dans un mois, deux mois ou trois. Ce serait logique, mais cette histoire de paraître à la télévision pour dire que cela prend fin dans huit jours, c’est un manque de respect total. Qu’est-ce qu’on peut faire dans huit jours en Haïti? un pays qui antérieurement n’a jamais été structuré au niveau logistique et informatique et puis vous demandez de retrouver des paperasses, je répète encore, c’est un manque de respect.

Et j’aurais souhaité que la communauté haïtienne et toutes les communautés culturelles, parce qu’on est dans le même bateau, de prendre ça en note parce qu’on est en démocratie. La seule façon de punir en démocratie ou de récompenser un élu, c’est dans les élections. J’aurais souhaité que la communauté haïtienne soit assez sage dans l’avenir. Car, il revient aux Haïtiens de récompenser ou de punir Yolande James.

 

QUESTION: Mais Mme James justifie sa décision en affirmant qu’elle avait, dès le départ, annoncé que le Québec ne va pas pouvoir accueillir au-delà de 3000 personnes?

PATRICK SALOMON: Ecoutez, précision: elle avait dit qu’elle allait sélectionner 3 000 personnes. Même si elle avait reçu 6 000, 10 000 ou 15 000 demandes, elle devait sélectionner 3 000 Haïtiens qui seraient en mesure de s’intégrer. Je suis d’accord avec elle qu’il faut choisir des gens qui soient capables de s’intégrer au Québec, mais cette histoire de dire que l’on a déjà reçu 3 000 demandes ça ne tient pas la route d’autant plus que le ministre fédéral de l’Immigration affirme avoir reçu à date seulement 90 demandes.

 

QUESTION: Y a-t-il un motif inavoué derrière cela, selon vous M.Salomon?

Moi, je pense que le Parti libéral et Mme James voulaient faire du capital politique, cela n’a pas donné les résultats escomptés ils mettent fin au programme c’est tout, c’est mon point de vue!

Si c’était une décision vraiment humanitaire il y aurait plein de solutions. D’ailleurs, on pouvait accueillir beaucoup plus de gens. On pouvait exiger que ces gens s’établissent en régions ou partager le nombre avec d’autres provinces. C’est du capital qu’on a essayé de faire avec ça et ça n’a pas marché.

Moi, je me rappelle dans les années 1980, quand le Parti québécois avait pris la décision de légaliser plusieurs milliers d’illégaux haïtiens ici, il est vrai, c’est pas le même contexte, mais le Parti québécois avait respecté sa décision jusqu’au bout. C’est pour cette raison que j’ai dit tantôt que j’aurais souhaité que les Haïtiens gardent ça en mémoire parce qu’on récompense ou on punit un politicien lors des élections.

 

QUESTION: Pensez-vous que les Haïtiens sont vraiment fâchés par rapport à cette décision-là . Jusqu’ici, il n’y a rien qui le prouve de façon non équivoque?

PATRICK SALOMON: Il y a un proverbe qui dit : « méfiez-vous de l’eau qui dort ». Les Haïtiens sont tellement fâchés par rapport à cette décision qu’ils n’en parlent même pas. C’est vrai que les Haïtiens ne sont pas politisés comme d’autres communautés, mais quand leurs intérêts sont menacés ils sont extrêmement intelligents sur le plan politique. Ils savent quand remercier et quand punir un parti. Ça j’en suis certain.

 

QUESTION: Êtes-vous confiant pour le reste du processus? Quelle sera, selon vous, la suite des choses?

PATRICK SALOMON: Écoutez, la manière avec laquelle Mme James a mis fin à ce dossier-là, de façon aussi cavalière, moi, je me dis, est-ce qu’on peut même faire confiance à l’administration de Mme James? Qui peut nous donner la garantie que ces dossiers-là seront traités de bonne foi? J’ai beaucoup de doutes présentement et je vais marteler le point, j’aurais souhaité que les Haïtiens gardent ça en mémoire lors des prochaines élections parce qu’on est en démocratie.

 

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