Les radios québécoises de la diversité crient famine (Assises de la Diversité)

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MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE) – Alors que les représentants des médias nationaux exposaient un train de vie qui leur paraît bien enviable, les responsables des radios de la Diversité ont de manière quasi-unanime fait ressortir, entre autres, les soucis économiques auxquels ils font face au quotidien en dépit du fait que la mission ou le mandat de leurs stations devient plus que jamais incontournable aux yeux des communautés desservies.

 

MIKE FM : les agences de pub verrouillent l’accès

Ce n’est pas facile de tirer son épingle du jeu quand les agences de publicité verrouillent l’accès qui mène vers les grands commanditaires, a d’entrée de jeu, fait remarquer Geoffroy Bry-Marfaing du groupe CHCR qui exploite les nouvelles stations MIKE FM (105.1) et CKIN FM (106.3) de la bande FM montréalaise. Bry-Marfaing affirme avoir du inventer toute une stratégie de proximité pour court-circuiter ce blocage. Le défi était de prouver qu’il y avait un « public prêt à consommer  un produit multiculturel de qualité à Montréal », a soutenu le directeur des Promotions du groupe CHCR qui se félicite d’avoir pu mettre la main sur des clients de taille dont Chrysler (automobile), Brault et Martineau (meubles et appareils ménagers).

 

Marché restreint pour CPAM

Le tableau n’est pas différent pour le 1610 AM (Radio CPAM) qui est hors du champ du radar de ces mêmes agences. Son Pdg, Jean-Ernest Pierre, se contente du marché de la diversité ou de la communauté haïtienne en particulier pour faire vivre sa station qui va fêter bientôt son neuvième anniversaire sur le cadran. S’il se félicite d’avoir pu tenir le coup et respecter ses obligations envers ses créanciers et sa vingtaine d’employés, Me Pierre, s’est tout de même demandé en rigolant : qu’adviendra-t-il du gagne-pain des radios de la diversité si des « riches » comme Astral se mettent à exploiter un tel marché? 

 

Radio SHALOM survit grâce aux donations

Seulement 27% de nos revenus proviennent des recettes publicitaires, a, dans la même veine, révélé Robert Levy, le président-fondateur de Radio SHALOM qui dessert la communauté juive notamment francophone du Québec, mais qui est aussi écoutée par des non-Juifs. L’absence de sondages à même de présenter fidèlement le rayonnement des médias de la diversité ne facilite pas non plus la tâche à Radio SHALOM auprès des agences de publicité, a-t-il également indiqué. Ainsi, 73% des revenus de la station sont tirés des donations effectuées par son auditoire. À noter que le statut d’organisme à but non lucratif  de ce média lui permet d’émettre un reçu pour fin d’impôts à ses donateurs.

 

Les sources de financement de CKUT

Ne pouvant également compter qu’en partie sur la publicité communautaire, Radio CKUT (90.3 FM), qui émet depuis 24 ans, doit également miser sur une campagne de financement annuelle qui lui permet de solliciter la générosité de ses auditeurs. Cette station universitaire doit surtout son existence, a précisé, Raymond Laurent, le responsable de l’émission Samedi Midi Inter (animée par ce dernier sans interruption depuis 23 ans à CKUT), à une cotisation annuelle des étudiants de l’Université Mc Gill.

 

Et Radio CENTREVILLE?

Le directeur général de Radio CENTREVILLE (102.3 FM) qui n’était pas trop bavard sur cet angle n’en dira sans doute pas le contraire. D’autant que, à entendre Frédéric Boisrond, cette station, conçue à l’origine pour donner une voix aux immigrants, avait omis de faciliter la communication entre ceux-ci et la société d’accueil. Le fait pour les nouveaux arrivants de témoigner de leur intégration à travers des émissions produites dans des langues autres que celles parlées par les Québécois d’origine européenne, n’a pas aidé. Il va sans dire que toute modification de mandat passera obligatoirement par une augmentation des budgets du 102.3 FM.

 

Et pourtant Québec achète de la pub mais où et comment?

Le gouvernement du Québec est conscient de cette injustice criante, a laissé entendre Patricia Rimok qui, sur demande de la ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, en avait fait largement état dans un Avis commandé en 2009 par Yolande James. « Une représentation et un traitement équitables de la diversité dans les médias et la publicité », tel est le titre de ce document de travail réalisé par le Conseil des relations interculturelles (CRI) qui, malgré l’opposition des acteurs de la diversité, a été aboli début juillet par le gouvernement libéral.

En termes de recommandations, cet Avis enjoint le gouvernement du Québec, qui fait annuellement des achats publicitaires de l’ordre de 150 millions de dollars, d’exiger minimalement un « quota diversité » aux grandes agences de pub qui se partagent ce pactole tiré de la poche des contribuables. Un minimum d’équité, à son avis, obligerait ces dernières à traiter également avec les médias de la diversité qui vivotent dans le paysage audiovisuel.

 

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PHOTOTHÈQUE MÉDIAMOSAÏQUE/Cr Michaelle Cédar (Les patrons de plusieurs radios de la diversité lors de l’Assise-radio à la Maison de Radio-Canada. De gauche à droite: le Pdg de CPAM Jean Ernest Pierre, le directeur des Promotions de Mike Fm et Ckin FM Geoffroy Bry-Marfaing, le directeur général de Radio Centreville Frédéric Boisrond et le président-fondateur de Radio Shalom Robert Levy)