En 2010, « il semblerait que sur soixante (60) gradués internationaux de l’institution, seulement dix (10) demeurent encore dans la région, alors que la plupart d’entre eux ne travaillent même pas dans leur domaine d’études. De ce maigre nombre de dix (10) qui y demeurent, peut-être que la moitié s’en iront ultérieurement », a révélé le recruteur à l’international de l’Université de Moncton en entrevue à l’Agence de presse Médiamosaïque.
En fait, à l’instar des grands campus canadiens très proactifs et qui font d’intenses lobbies dans le but de s’attirer une bonne part de la manne que représentent les étudiants internationaux, l’Université de Moncton, la seule institution francophone universitaire du Nouveau-Brunswick, n’est pas en reste. Elle se dote en ce sens depuis plusieurs années d’un représentant officiel voué au recrutement international en la personne de Lujan Saintil.
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Promotion à l’étranger et accueil
L’une des fonctions principales du « recruteur à l’international » consiste à positionner la région et notamment l’institution en faisant la promotion de ses programmes d’études dans divers pays. Dans le cas de M. Saintil, il est mandaté pour le faire dans la Caraïbe (Haïti, Martinique, Guadeloupe, St-Martin, etc.). Parallèlement à cette fonction, ce dernier occupe également le poste de vice-président exécutif du Comité d’immigration de la région du grand Moncton (CIGM), qui regroupe les municipalités de Dieppe, Moncton et Riverview.
À en croire cet originaire d’Haïti, qui vit depuis plus d’une quinzaine d’années dans la région, plusieurs municipalités du Nouveau-Brunswick ont beaucoup investi pour y accroître la présence d’une population immigrante très diversifiée et ont contribué de manière significative en vue de favoriser l’intégration de cette diversité. À cet égard, pas moins de deux organismes ont été créés, en l’occurrence, le Multicultural Association of the Great Moncton Area (MAGMA) et le Centre d’accueil et d’intégration des immigrants du Moncton Métropolitain(CAIIMM).
L’exode serait massif
S’il admet que ces organismes font de leur mieux pour offrir le support nécessaire aux gens qui viennent de s’installer au Nouveau-Brunswick, il dit cependant constater, « depuis quelque temps, qu’on assiste à un véritable exode de ces nouveaux arrivés, quelques années plus tard, vers d’autres provinces ou métropoles canadiennes ». Et, selon lui, « le phénomène est encore plus flagrant et tend à s’amplifier en ce qui a trait aux étudiants internationaux. »
« La majorité des étudiants, malgré leur volonté de rester dans la province afin d’y travailler et/ou de s’y installer après près de cinq (5) années d’études universitaires, prennent le large, une fois diplômés, non sans avoir tout essayé pour la grande majorité d’entre eux », a fait remarquer le recruteur à l’international de l’Université de Moncton.
Témoignages reçus
Jusque-là, aucune théorie proprement dite n’a été développée pour expliquer ce départ massif de ce type d’immigrants, même si dans des multiples conversations que M.Saintil affirme avoir eues avec plusieurs d’entre eux, certains motifs avancés par ceux-ci, seraient « le manque d’emplois ou la marge très restreinte de possibilités d’emplois pour les internationaux dans des domaines très compétitifs, tels l’administration des affaires, l’économie , pour ne citer que cela. »
Certains de ces étudiants content également, a-t-il révélé, « leurs frustrations et se disent victimes de discrimination à l’embauche, notamment pour des postes en administration pour lesquels, les originaires de la région leur sont préférés malgré leurs compétences, sous prétexte qu’ils ne détiennent aucune expérience de travail alors qu’ils sont fraîchement gradués de l’Université ».
« Pour ceux qui sont assez chanceux d’occuper un poste dans leur domaine d’études, le peu d’acceptation reçue et l’intimidation dont ils font l’objet dans leur milieu de travail les exaspèrent et justifient sur plusieurs points leur démission fâcheuse et fortuite de leur poste », a-t-il poursuivi.
Le Nouveau-Brunswick compétitif?
Le Nouveau-Brunswick tarde à faire la démonstration de sa compétitivité face à d’autres provinces, dont le Québec et l’Ontario, qui disposent de certains programmes d’immigration beaucoup plus attractifs, à en croire Saintil qui se réfère à la flexibilité du Québec, en particulier, qui permet aux étudiants internationaux d’appliquer pour la résidence permanente avant la fin de leurs études ou immédiatement après. Tel n’est cependant pas le cas pour « le Nouveau-Brunswick qui exige, a-t-il précisé, une année d’expérience de travail à temps plein liée au domaine d’études pour que l’étudiant soit éligible à présenter une application de résidence permanente ».
« Ce qui explique une situation perplexe, complexe, équivoque et quelque peu ridicule car, alors que les autorités néo-brunswickoises demeurent peu flexibles sur cette exigence particulière, les employeurs de la région refusent ou du moins hésitent à les embaucher. Et, pour trancher le problème, la grande majorité de ces étudiants présentent leur demande de résidence permanente pour le Québec et l’Ontario, et pas pour le Nouveau-Brunswick, alors qu’ils y ont habité pendant environ cinq ans. Ce qui représente une perte sèche pour ladite province », a commenté le recruteur à l’international.
Retenir les étudiants : tout un dispositif à réviser…
Passant au peigne-fin le dispositif mis en place pour accueillir ces étrangers, entre autres, par l’Université, les autorités de la province, les organismes d’interface, et qui a donné les résultats décevants décrits plus haut, Lujan Saintil croit qu’il devient plus que pertinent et urgent pour tous les acteurs liés de près ou de loin par la question de repenser l’ensemble de leurs stratégies.
À son avis, il est temps de se poser les sous-questions suivantes : « ne doit-on pas revoir les structures visant à aider ces étudiants, non seulement à leur arrivée à l’Université, mais aussi tout au long de leur séjour universitaire et même après? Ces programmes d’accueil, ont-ils pour uniquement pour objectif d’aider l’étudiant au cours de son cursus universitaire ou juste pour lui donner un coup de pouce au début et le laisser pirouetter dans ce nouvel atmosphère qui lui est complètement étranger sans une orientation structurée? Un accueil chaleureux à son arrivée au pays suffit-il pour aiguiser le désir de s’établir chez l’étudiant? Existe-t-il une continuité dans ces programmes d’accueil? Et les organismes d’accueil des immigrants, offrent-ils des services aux étudiants internationaux ou tout simplement aux immigrants fraîchement arrivés? Si oui, est-ce leur expertise est connue suffisamment de la population étudiante internationale et si non, alors pourquoi ne pas en faire campagne? Est-ce que cette politique gouvernementale d’attirer les immigrants au Nouveau-Brunswick est aussi embrassée par l’Université, les employeurs de la province? Si non, pourquoi et si oui, quelles sont les stratégies en place pour retenir ces cerveaux bien formés? »
Il rajoute : « Et ceux qui, finalement, ont pu se faire une place au sein d’une organisation et qui malgré tout abandonnent leur postes, y-a-t-il un organisme auquel cet immigrant ou ce gradué pourrait se référer afin d’avoir de l’aide, au lieu de déserter les lieux dans des conditions désastreuses souventes fois? À part le blâme ou l’intimidation de leur collègue de travail, leur gestionnaire ou superviseur, leur offre-t- on des occasions d’évolution, de perfectionnement dans leur domaine? Sont-ils vraiment encadrés pour se hisser à la hauteur des attentes de leurs supérieurs hiérarchiques? »
Imbroglio insoluble? Non, répond Saintil
Optimiste dans sa démarche qui se veut constructive, le recruteur à l’international de l’Université de Moncton persiste à croire que le Nouveau-Brunswick est à même de relever le défi. Il en veut pour preuve les pas franchis en ce sens par les autres provinces canadiennes qui ont innové au point où leurs incitatifs finissent par trouver preneurs auprès de bon nombre d’étudiants internationaux ou d’immigrants déjà établis au N-B.
Il ne faut pas perdre de vue que cette politique migratoire assumée par la province est à ses débuts et que l’implantation de ces cohortes d’immigrants, venant des quatre coins du monde, n’est qu’à ses prémisses, a-t-il également relativisé. Et de ce fait, Lujan Saintil dit admettre que certains endroits de la région ne sont pas encore habitués, et par conséquent, peu conscientisés par rapport à la pertinence ou à la valeur ajoutée de l’immigration pour la province. Saintil conclut qu’il est d’une importance primordiale que la communauté ou la population en général soit bien imbue des choix politiques adoptés par les autorités afin que les Néo-Brunswickois puissent volontairement et activement coopérer.
PHOTOTHÈQUE MÉDIAMOSAÏQUE/Cr Blog.jacadienouveaubrunswick ( Vue d’un site du Nouveau-Brunswick )