Les guérisseurs vaudou et les psychologues, ont-ils quelque chose en commun?

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MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE) – « Ils ont beaucoup en commun », affirme le docteur Ghislène Méance, une psychologue praticienne licenciée d’origine haïtienne. Dr Méance est l’auteur d’un chapitre sur les méthodes de guérison vaudou paru dans un livre publié en juillet 2013 et titré «Les méthodes de guérison traditionnelles des Caraïbes : Implications pour la santé ainsi que la santé mentale» (traduction de l’anglais Caribbean Healing Traditions : Implications for Health and Mental Health).

Ce livre, édité par Patsy Sutherland, Roy Moodley et Barry Chevannes et publié chez Routledge, s’appuie sur les connaissances de cliniciens, chercheurs et spécialistes chevronnés des Caraibes et de la diaspora pour examiner les fortes traditions de guérison de ces cultures, dans le contexte de la santé et de la santé mentale.

Cette recherche représente une contribution significative qui vient combler, à en croire la maison d’édition, une lacune «en matière de ressource pour les étudiants, chercheurs, enseignants et praticiens dans les domaines des soins infirmiers, du suivi psychologique, de la psychothérapie, la psychiatrie, l’assistance sociale, le développement des jeunes et des communautés, et la médecine en général».

Le travail du Dr Méance pose un regard objectif sur l’approche de guérison vaudou en Haïti, non seulement comme mode de vie, mais aussi à titre d’alternative à la psychothérapie. Peu de chercheurs avant elle ont pris le soin de délinéer ce qui distingue la magie noire de la méthode de guérison vaudou.

La magie noire, un aspect sensationnalisé du vaudou, représente mal la réalité de la culture haïtienne du vaudou. Dr Méance observe que les médecins, psychiatres et psychologues haïtiens sont engagés dans une compétition silencieuse, mais sérieuse, contre les guérisseurs vaudou qui tendent à attirer la majorité de leurs patients. Les guérisseurs traditionnels, aussi appelés « hougans », gagnent ainsi plus d’argent que les travailleurs en santé mentale parce que les clients se rendent d’abord chez les hougans lorsqu’ils ont besoin de conseils et de direction.

La plupart des patients ne croient pas que leurs problèmes psychologiques soient dus à un déséquilibre chimique, des expériences de la petite enfance, leurs propres comportements ou les comportements des autres. La majorité d’entre eux croient dans le surnaturel et par conséquent préfèrent chercher ailleurs l’explication de leurs problèmes. Seulement un groupe restreint de psychologues ont la formation requise et sont à même de prendre en compte la croyance du patient dans le surnaturel et de l’intégrer dans leur approche thérapeutique.

Lorsqu’elle a décidé d’investiguer l’approche de guérison propre au vaudou, d’abord comme journaliste (de 1997 à 2000) et ensuite dans le cadre de sa thèse de doctorat (de 2000 à 2005), Dr Méance a fait le choix de laisser de côté le volet «magie noire» pour se concentrer sur la différence entre les méthodes de guérison vaudou et la psychothérapie. Elle a assisté à plusieurs cérémonies de vaudou en Haïti et à Brooklyn, NY où elle a observé patiemment et méticuleusement les rituels de guérison. Elle a pris le soin d’interviewer sans prétention beaucoup de guérisseurs de vaudou sur leur travail et leur approche de soin. Elle a aussi parlé à des clients qui étaient ouverts à discuter de leur expérience ainsi que de leurs rapports avec les prêtres vaudou et les mambos (prêtresses de vaudou) auprès desquels ils cherchent de l’aide.

Les résultats de cette recherche sont à la fois stupéfiants et révélateurs. Le guérisseur vodou et le psychologue ont beaucoup en commun. Dans les deux cas, ils écoutent, évaluent, examinent et traitent les patients. Les deux encouragent le patient à prendre en charge sa santé et son bien-être physique. Les deux donnent des instructions et des conseils à l’intérieur d’un cadre d’éthique établi. Les relations personnelles, principal sujet de conversation dans les cliniques de thérapie, ont la même prépondérance dans les diagnostics et traitements fournis dans un temple vaudou ou un «peristil». La seule différence est que dans le temple vaudou ou le peristil, les problèmes de relations ne concernent pas seulement les humains, ils concernent aussi les esprits, communément appelés les «lwa».

Les esprits peuvent agir au même titre que les humains. Donc, les relations humain-esprit et esprit-esprit sont sujets à des conflits et ces conflits sont réglés à partir d’approches et d’interventions de guérison spécifiques.

Dr Méance a découvert que les professionnels de la santé mentale, qui se donnent la peine d’écouter les patients, sans les juger, parviennent à mieux comprendre leurs croyances spirituelles et philosophiques ou simplement à déceler la perception du client de sa propre maladie. Lorsque les patients n’ont pas peur d’être eux-mêmes en présence du prestataire de soins, qu’il soit un psychologue, un prêtre vaudou ou une infirmière, la porte est ouverte à un processus de traitement efficace, conclut Dr Méance dans ce chapitre.

Dr Méance (Voir Photo en haut)) est présidente du Centre de tests et de conseils multiculturels (Multicultural Counseling and Testing Center) situé à Union County, New Jersey. Elle traite les patients de toutes les cultures dans sa clinique et est souvent appelée à voyager à l’étranger pour effectuer des interventions culturellement adaptées et efficaces, à titre de consultante indépendante. En plus de son diplôme de doctorat en psychologie clinique, elle détient le titre honorifique de « prêtresse du vaudou » en raison de sa contribution à la promotion et au respect de toutes les religions en Haïti, un pays qui est en fait une vraie mosaïque religieuse.

 

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