Le poids du Québec et du Canada dans la course présidentielle haïtienne

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MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE) – Le poids de l’axe Québec/Canada, comparativement à celui de Washington ou de Paris, pèse-t-il vraiment dans la balance en Haïti où la population doit désigner dans moins de deux semaines le ou la présidente qui héritera du fardeau des cinq (5) premières années de la reconstruction?

Difficile de dire jusque-là si Ottawa s’impose ou pas à l’instar des capitales occidentales qui font beaucoup de politique en Haïti, même s’il est évident que son leadership ou son activisme diplomatique a pris du poids au cours des deux dernières décennies à Port-au-Prince, surtout après le séisme du 12 janvier!

Influence lourde ou encore relative?

De manière concrète, il est clair que les candidats au fauteuil présidentiel en Haïti ne se bousculent pas au portillon pour se faire remarquer au Canada. Seulement trois (3) des prétendants sérieux au poste ont déjà foulé le territoire canadien dont la proximité ou les liens historiques avec Haïti, via notamment la Province du Québec, n’est plus à démontrer.

En effet, à part Jacques Édouard Alexis, Mirlande Hypollite Manigat et Michel Joseph Martelly, aucun des 19 postulants, même le poulain désigné par le camp présidentiel sortant, Jude Célestin, n’a encore mis les pieds à Montréal où vit l’une des plus importantes communautés haïtiennes hors d’Haïti au monde, a noté l’Agence de presse Médiamosaïque.

Bon nombre d’observateurs n’hésitent pas à questionner cette frilosité des candidats envers le Québec qui a été pourtant, faut-il le rappeler, l’endroit le plus généreux au monde en termes de dons per capita à la population haïtienne suite au séisme qui a dévasté le 12 janvier dernier la partie occidentale de l’île d’Hispaniola.

Alexis, un passionné du Québec

L’ex PM Alexis, qui a étudié au Canada et dont les cinq enfants y sont nés, dit demeurer admiratif du cheminement spectaculaire qui a propulsé le Québec au rang des sociétés occidentales les plus avancées au monde via la «Révolution Tranquille». Impossible de ne pas voir Alexis au Québec où il compte de nombreux partisans, d’autant que la mesure d’interdiction de séjour imposée par Ottawa à son endroit a été levée par les Conservateurs, un régime réputé ferme et qui tient mordus à son crédo «la loi et l’ordre».

En effet, lors de son passage au Canada, le candidat du MPH a déclaré vouloir faire de l’éducation sa priorité pour les cinq prochaines années. Il affirme avoir dû renoncer à donner une telle orientation politique à son gouvernement, pendant qu’il était au pouvoir entre 2006 et 2008, parce que René Préval, le président sortant, lui avait fait part, et nous le citons, de son désaccord formel en ce sens.

Alexis, JEA pour les intimes, qui se considère comme un bâtisseur, rêve aujourd’hui encore, si le peuple lui donne les clés du Palais national, d’implanter en Haïti un modèle universitaire calqué sur celui de l’Université du Québec. Celle-ci , mentionnons-le, a décentralisé son offre en érigeant un campus, disposant de toutes les installations adéquates, dans chacune des régions importantes du Québec.

Mirlande Manigat n’est pas en reste

Le Québec est incontournable pour Haïti, aux yeux de l’ex-première dame de la République, qui caracole en tête dans les intentions de vote et qui dispose également d’une base très active à Montréal. Ordinairement, ensemble avec son mari, l’ex-président Leslie François Manigat, le couple a l’habitude d’y séjourner pour les vacances et pour fouetter simultanément les ardeurs de leurs militants établis dans la métropole québécoise.

Mme Manigat, qui, à l’instar du candidat Jacques E. Alexis, a réalisé deux activités pour financer les coffres de son parti, le RDNP, a, de son côté, promis une scolarisation massive des enfants haïtiens (école primaire gratuite). Elle veut faciliter l’accès au crédit aux femmes qui, comme on le sait, constitue le pilier de l’économie haïtienne. Le sort des «Madame Sara» ou celui des «vaillantes femmes» du secteur informel la préoccupe.

Tout comme Alexis, qui est agronome de formation, la leader du Rassemblement des démocrates nationaux et progressistes (RDNP) ne voit pas un sursaut de l’économie haïtienne sans un coup de barre majeur à l’agriculture, réduite en peau de chagrin faute d’assistance ou d’encadrement de l’État et de la contrebande dont les méfaits ont accéléré l’appauvrissement de la paysannerie.

Le «leadership» de Michel Martelly

La franchise et l’honnêteté, telle a été la carte mise de l’avant par Michel Martelly qui, avant même de figurer dans la liste des 19 candidats agréés par le Conseil électoral provisire (CEP), avait jugé crucial d’effectuer sa première visite au Canada pour, avait-il précisé, remercier le Québec pour son aide massive à Haïti après le séisme et mousser parallèlement sa campagne auprès du secteur privé et de la classe politique canadiens.

Martelly qui, à contrario des deux candidats susmentionnés, n’a fait que le tour des médias lors de ses deux séjours au Canada, s’est comporté en bon élève, prêt à apprendre ou à s’entourer de toutes les compétences possibles. S’il admet que son inexpérience politique fait de lui un candidat atypique, le chanteur devenu politicien, qui met derrière lui son passé sulfureux de «Sweet Micky», insiste sur son «sens de leadership» qui peut, selon lui, faire la différence.

«Ce qui manque, ce ne sont pas les compétences, c’est du leadership qu’il nous faut», avait-il déclaré lors d’une entrevue à Radio-Canada en citant quelques-uns de ses compatriotes ayant impressionné le monde comme Michaelle Jean (ex-gouverneure générale du Canada et actuelle envoyée spéciale de l’Unesco en Haïti) ou encore le designer haïtien, Ralph Gilles. Ce dernier, qui devient directeur et une star chez Chrysler, rappelons-le, avait dessiné la Chrysler 300 C, la voiture qui avait permis à cette compagnie d’automobile américaine de renouer avec le profit en 2006.

À noter que, ces trois candidats se disent tous favorables à un amendement de la Constitution du pays qui demeure la principale revendication de la diaspora haïtienne. Ce bailleur de fonds, le plus important d’Haïti, est écarté des affaires politiques de la nation. La Loi fondamentale encore en vigueur en Haïti, faut-il le mentionner, interdit la double nationalité.

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PHOTOS MEDIAMOSAIQUE.Com (Notre photographe Hubert Molaire a suivi les trois candidats à la présidence d’Haïti, de gauche à droite, l’ex premier-ministre Jacques Édouard Alexis du MPH, la leader du RDNP, Mirelande Manigat et le chanteur Michel Martelly de la plateforme «Repons Peyzan», lors de leur passage récemment à Montréal)