Le PLC en ruines: son manque de diversité mis à l’index dans un diagnostic

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La Rédaction

MONTRÉAL –  » Une stratégie erratique et hypocrite du PLC envers les communautés culturelles  »  serait, entre autres, à la base de la déconfiture électorale qu’a subie le 2 mai dernier cette formation politique qui a formé la majorité des gouvernements ayant dirigé le Canada depuis la confédération, tel est l’argument mis de l’avant par l’analyste et expert en gouvernance, Wilson Saintelmy.

 

Autrefois, la diversité au PLC

Ce Lavallois, qui a d’ailleurs porté les couleurs du Parti Libéral en 2008 dans le comté d’Alfred-Pellan, croit que les barons libéraux n’ont pas soigné leurs relations avec cette clientèle qui  » fit historiquement la fortune électorale du PLC au point de frustrer les autres partis politiques « .

 » Le concept de Diversité fut, dans toute sa plénitude et pendant très longtemps, au centre de l’équité multiculturelle et multiraciale héritée du trudeauisme « , a relevé Wilson Saintelmy dans une analyse qu’elle a soumise à la rédaction de l’Agence de presse Médiamosaïque.

 

Aujourd’hui, la donne a changé

De l’avis de M.Saintelmy, qui a même souhaité une « réingénierie du PLC »,   » les résultats des dernières élections suggèrent que (le Parti Conservateur et le NPD) ont comblé leur déficit concurrentiel face au PLC sur le marché électoral de la diversité « .

Cette nouvelle donne constitue  » l’une des conséquences de la stratégie erratique et hypocrite du PLC envers les communautés, considérées à tort comme son fonds de commerce naturel. Erreur de lecture et de calcul de la part des stratèges libéraux « , a-t-il diagnostiqué.

Saintelmy en veut pour preuve  » la rétrogradation de la commission du  multiculturalisme du PLC au statut de reliquat folklorique et l’humiliation de son ex-Président, le Dr. Komlan Amouzou, lors de la course à l’investiture libérale dans la circonscription d’Outremont procédèrent de cette double erreur de lecture et de calcul de la part du leadership libéral. »

À noter que, lors de la dernière élection, le Parti Libéral avait subi la plus humiliante défaite de son histoire en remportant seulement 34 des 308 sièges à la Chambre des communes. Le PLC avait ainsi cédé son statut d’opposition officielle au NPD qui en avait récolté 103 et concédé la victoire aux Conservateurs qui en avaient raflé 166 circonscriptions.

Ci-dessous la version intégrale de cet article:

 

La réingénierie du PLC: Un enjeu de leadership transformationnel 

Par Wilson Saintelmy

D’entrée de jeu, il faut et il faudra changer le logiciel du PLC.  Pour ce faire,  il y a lieu pour le PLC de faire l’autopsie de sa récente déconfiture électorale. Mieux encore, faut-il, au-delà de la tornade NPD,  un diagnostic lucide de sa rétrogradation au statut d’un tiers parti fédéral. L’un des lieux les plus indiqués pour démarrer un tel processus demeure la délégitimation graduelle, sinon,  le recul réel du PLC auprès des communautés culturelles, notamment, torontoises, montréalaises et vancouveroises. D’autant plus que la loyauté des susdites communautés culturelles envers le PLC fut, depuis au moins le règne de Pierre Eliott Trudeau  et jusqu’à la veille du référendum de 1995, un fait acquis. Que s’est-il alors passé, qui pouvait expliquer le torrent référendaire souverainiste? Nous risquons ici l’hypothèse d’un déplacement substantiel du vote de la diversité (deuxième génération) et plus en faveur de la mouvance souverainiste.Le PLC est victime d’un déplacement identique  de ce vote aux dernières élections et ceci,  au profit du PCC et du NPD mais cette fois-ci d’une amplitude de loin supérieure.

Au lieu de s’astreindre à un exercice d’intelligence politique et prospective en vue d’endiguer le déclin de la fabrique libérale, entre autres,  auprès de l’électorat de la diversité, le PLC a préféré les actions intempestives à fortes rentabilités électorales dans le ROC. Une  culture d’invincibilité électorale s’est développée chez les Libéraux, faute, à ce moment,  d’une alternative  au sein de l’opposition. La carte de visite libérale s’apparentait ainsi à un ticket en première classe pour la primature canadienne. Il pleuvait alors les tentatives de putsch  pour évincer Jean Chrétien. Il s’en suivit le désormais face-à face historique entre  le clan Martin, aspirant au  trône libéral,  et le Clan Chrétien qui, lui, y était bien installé et ce,  depuis plus d’une décennie. La rivalité Martin-Chrétien avait une dimension éthique fondamentale. Et c’est par là que les Pauliniens allaient  déstabiliser leurs adversaires internes avant de s’y piéger eux-mêmes. La cohabitation Dion-Ignatieff fut gouvernée par la même dynamique rivalitaire intra-libérale. Le bilan d’une telle dynamique: Trois défaites successives du PLC et ceci, en autant de concours électoraux.

Ainsi, faut-il souligner que la dégringolade du PLC aux dernières élections fédérales questionne la pertinence du travail de réflexion  effectué  par le fameux groupe de réflexion et de prospective stratégiques  (Advocacy Tank) institué par le chef démissionnaire du PLC, peu de temps après son sacre sur le trône libéral en mai 2009.  Loin de nous l’idée de faire ici  le procès des membres individuels du groupe d’intellectuels susmentionnés.  Notre propos est ailleurs. Il s’agit de préférence de souligner la part de responsabilité morale de ce groupe de penseurs et de leaders pro-ignatieffiens dans la déchéance électorale du PLC.

Notons, pour faire court  que le susdit groupe,  en raison même de son homogénéité,  était vulnérable à l’un des deux pièges cognitifs les plus courants inventoriés dans le domaine de la stratégie organisationnelle: La myopie, notamment, celle induite par une carence de diversité. En plus des dissipations énergétiques et blocages émotionnels et motivationnels qu’elle entraîne,  une telle carence de diversité est génératrice de déséconomies cognitives. Le concept de diversité  fut,  dans toute sa plénitude et  pendant très longtemps, au centre de l’équité multiculturelle et multiraciale héritée du  trudeauisme; laquelle équité fit historiquement la fortune électorale du PLC au point de frustrer les autres partis politiques. Les résultats des dernières élections suggèrent que ces derniers ont comblé leur déficit concurrentiel  face au PLC sur le marché électoral de la diversité. Telle est l’une des conséquences de la stratégie erratique et hypocrite du PLC envers les communautés, considérées à tort comme son fonds de commerce naturel. Erreur de lecture et  de calcul de la part des stratèges libéraux.

La rétrogradation de la commission du  multiculturalisme du PLC au statut de reliquat folklorique et l’humiliation de son ex-Président,  le Dr. Komlan Amouzou, lors de la course à l’investiture libérale dans la circonscription d’Outremont procédèrent de cette double erreur de lecture et de calcul de la part du leadership libéral. Ces  errements, sans s’y limiter, furent symptomatiques de la dérive normative du PLC. Tout comme ils le furent de la dilapidation de sa crédibilité, de son attractivité  et de son avantage concurrentiel  auprès de certaines communautés auxquelles le PLC dut pourtant son caucus québécois à la Chambre des Communes. Ce retour sur ces moments erratiques du leadership de M. Ignatieff est fait ici à dessein. Il sied de mettre en perspective la débâcle électorale libérale du 2 mai 2011, laquelle débâcle demeure la conséquence ultime d’une crise structurelle  et éthique larvée,  de surcroît, aggravée par une course permanente à la chefferie libérale.

Pour paraphraser le baron de Saint Juste, si tous les notables libéraux fédéraux veulent devenir Chef et qu’aucun d’entre eux ne veut et ne peut  se contenter d’être un simple militant, où sont  donc l’organisation libérale et son idéal trudeauiste? Il ne fut guère nécessaire d’attendre jusqu’au 2 mai 2011 pour trouver réponse à cette dernière question. Il était du mandat intellectuel du groupe de prospective stratégique mandaté par Michael Ignatieff de le faire. Il n’en fut rien. Depuis le début des années 2000, les adversaires libéraux sont des libéraux. A force de s’entredéchirer entre eux, les libéraux n’ont pas fait l’économie de l’énergie libérale, conséquence d’une triple crise: Crise structurelle, crise éthique et crise de leadership. Dont les effets sont factoriels et combinatoires. Résultats: Évaporation du monopole historique du PLC dans les indicatifs  905, 514 et  450 pour ne citer que ces trois pôles à forte intensité multiculturelle.  Simultanément,  percée historique aussi bien du NPD que du PCC dans les trois régions susmentionnées.


PLC: Crise structurelle, crise éthique et crise de leadership

Pour l’essentiel, cette triple crise date d’une quinzaine d’années. Réductible à une panne du moteur libéral, elle réverbère l’épuisement et la perte de friction du trudeauisme.  Elle s’est manifestée avec acuité lors et à travers le référendum de 1995 avant de redevenir latente, atténuée par l’euphorie post-référendaire et le confort psychologique artificiel généré par la loi Dion sur la clarté.
Ainsi, de la débâcle référendaire de 1995 à l’effondrement électoral du 2 mai 2011 en passant par le scandale des commandites, le contentieux fratricidaire Martin-Chrétien,  reprogrammé à travers le face à face Dion-Ignatieff, suivi par le récent affrontement pré-électoral Cauchon-Coderre,  l’on retrouve les marqueurs génétiques d’un complexe d’invariants structurels:  Le rendement décroissant du trudeauisme aussi bien au Québec qu’ailleurs au Canada,  la pollution de l’équité de marque libérale, la marginalisation de grandes figures de l’aile gauche du PLC amorcée par les Pauliniens,  la délégitimation du fonds de commerce libéral auprès de certains groupes de néo-québécois et de néo-canadiens de deuxième, troisième et quatrième générations, les récentes tentatives avortées de recentrage indigène du PLC sous l’impulsion de M. Denis Coderre,  l’anachronisme de la vision constitutionnelle  du PLC,  l’évaporation de la rente électorale générée par un demi siècle de trudeauisme. L’entêtement du PLC à nier les défis structurels susmentionnés, conjugué à sa lecture erronée et biaisée de la percée souverainiste lors du référendum de 1995,  est  tout aussi indicatif que symptomatique d’une cécité aigue.

La correction d’une telle cécité ne peut procéder d’un cataplasme conjoncturel, artificiel ou superficiel; encore moins, d’une course hâtive à la chefferie. Elle devra résulter d’un diagnostic lucide et pointu du cancer libéral, réalisé à l’aide d’un scanner performant aiguillonné par une fine intelligence stratégique, prospective et transformationnelle. Une réingénierie organisationnelle aussi radicale, aussi délicate et aussi complexe que celle préconisée ici requiert un leadership de la même nature et de la même magnitude. Le renouvellement et la pérennité du PLC comme entité organisationnelle dépendront du succès de la chirurgie institutionnelle susmentionnée. À défaut de ce type de leadership transformationnel et visionnaire, qui, de toute évidence, fut absent chez les quatre derniers chefs du PLC,  celui-ci ne saura et ne pourra malheureusement se réinventer. Pas plus ne saurait-il, sans un tel leadership,   rénover le trudeauisme ou encore lui substituer une nouvelle utopie pragmatique; Une utopie mobilisatrice de l’énergie collective canadienne,  sinon,  arrimée sur les énormes potentialités inhérentes au fédéralisme du XXIème siècle. À suivre.

 

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