MONTRÉAL – Laurent Lamothe, a-t-il perdu la bataille de l’opinion publique haïtienne? La ratification du choix du chancelier démissionnaire désigné par le président Joseph Michel Martelly au poste de premier-ministre par le Sénat haïtien a été qualifiée de « scandale » par de nombreux Port-au-Princiens.
La rubrique « Invité du jour », de la radio privée de la capitale, Vision 2000, transformée le lendemain de cette ratification en tribune populaire, a curieusement démontré que la première manche remportée au Sénat par le poulain de Michel Martelly semble avoir irrité bon nombre d’Haïtiens.
Si l’exercice en soi n’a rien d’un sondage scientifique, il a été toutefois révélé surprenant de constater que, sur environ une trentaine d’auditeurs, ayant pu réagir à chaud autour de cette séance, qui s’est terminée aux alentours de 22 heures la veille, à peine trois seulement d’entre eux ont remis en question l’opinion partagée par la majorité de leurs pairs qui intervenaient au téléphone.
Une affaire de gros sous?
Selon ces auditeurs, de fortes sommes d’argent auraient été décaissées par le clan Lamothe ou par le pouvoir en place pour favoriser la ratification de ce dernier. Plusieurs ont nommément accusé des parlementaires en fin de mandat: les Lambert, Bastien, Latortue, etc.
Dans un pays où l’oralité constitue la norme et où les enquêtes sérieuses sont rarissimes dans les anales de la justice, voire de la presse, il y a fort à parier que de telles accusations ne seront jamais étayées . Les accusés ou diffamés n’en ont cure parce qu’en Haïti: on perd la face mais on en récupère vite.
Que dit La Constitution?
En Haïti où la droite et la gauche couchent sous le même toit, la ratification ou non de Lamothe par les groupuscules soi-disant de gauche qui détiennent la majorité au Parlement n’a rien à voir avec le crédo politique du président Michel Martelly, réputé proche de la droite. Députés et sénateurs sont également à des années lumière de la discipline de parti. Une fois élu, le parlementaire surfe en électron libre et son vote devient très accessible aux forces occultes ou de l’argent sale.
La Constitution stipule pourtant que le premier-ministre doit être issu du parti majoritaire au Parlement. Les lois haïtiennes disent aussi très clairement que le candidat au poste de PM doit cumuler cinq années de résidence continues au pays. Laurent Lamothe, propriétaire de la multinationale Global Voice, serait revenu au pays tout récemment pour financer et appuyer la campagne électorale de son ami Martelly.
Américain ou Haïtien?
L’autre dossier, qui n’a nullement influé sur l’issue du vote et qui a choqué les Haïtiens, demeure le doute sur la nationalité du PM ratifié par le Sénat. Laurent Lamothe serait détenteur de la double citoyenneté, un statut non compatible avec la loi fondamentale haïtienne qui exclut les fils et filles de la diaspora des hautes sphères de l’État.
Si l’on en croit l’ancien président de la Chambre des députés, la citoyenneté américaine de Laurent Lamothe aurait été révélée par Michel Martelly lui-même. Le chef de l’État lui en aurait fait part alors que ce dernier explorait les premier-ministrables avec le président et le vice-président de l’Assemblée nationale après son accession au pouvoir le 14 mai 2011.
Brillant entrepreneur, redoutable politicien?
Avant de l’être pour son cercle politique intime qui est d’ailleurs inexpérimenté et qui fait perdre du temps au pays, cette victoire au Sénat de Lamothe est d’abord personnelle pour cet Haïtien qui a connu du succès en affaires aux USA et dans plusieurs pays africains. En règle générale, la première étape du processus de ratification du PM dicte toujours la tendance depuis que Haïti vit sous le régime de la Constitution de 1987.
Fougueux, quarantaine à peine entamé, polyglotte, et initiateur de la diplomatie dite d’affaires, Lamothe a toutefois du chemin à faire pour gagner la bataille de l’opinion publique. Celle-ci fait le rodomont à sa campagne de séduction, si l’on se fie, en tout cas, à l’émission « Invité du jour » de Vision 2000 du 11 avril captée à Montréal à l’Agence de presse Médiamosaïque.
Hyperactif, habile communicateur, super-branché réseaux sociaux et qui y intervient personnellement pour partager son agenda avec ses fans, Lamothe tranche avec le style de ses prédécesseurs. Cependant, il est lui-même conscient qu’il se doit d’inspirer confiance et crédibilité auprès de ceux qui se méfient de ses réelles intentions.
Est-ce pourquoi, depuis qu’il a été désigné au poste de premier-ministre et qu’il a été la cible de pas mal de détracteurs, Laurent Lamothe, pour ne pas laisser son image aux bons soins de ces derniers, a pris lui-même l’initiative de lancer et d’alimenter son propre blog » Pour plus de transparence et de dialogues en Haïti.
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PHOTOTHÈQUE MÉDIAMOSAÏQUE ( Le président haïtien, Joseph Michel Martelly, conversant avec son ami, chancelier démissionnaire, et premier-ministre désigné, Laurent Lamothe )