Coffi Férère*: la tutelle n’est pas un obstacle à la reconstruction

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La souveraineté est-elle un obstacle à la reconstruction d’Haïti ou un prétexte brandi par certains secteurs de la vie nationale pour ne pas ilégitimer la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH)? Pour répondre à la question, on définit brièvement, dans un premier temps, ce qu’est la souveraineté d’un État et, dans un second temps, son évolution.

Un État est souverain quand il n’est soumis à aucun autre État. Au fil du temps, la souveraineté des États s’est affaiblie considérablement, elle n’est plus ce qu’elle était autrefois. La raison est simple. Les calamités comme la pandémie du SIDA, du HNN1, de la grippe aviaire ajoutée aux catastrophes naturelles et surtout aux conditions économiques, rendent les États de plus en plus dépendants. La Charte même des Nations Unies lui confère le droit d’intervenir dans les États fragiles. Donc, indubitablement, le concept de souveraineté des nations s’est dilué durant ces dernières années et va continuer de l’être surtout dans les pays moins avancés.

Le cas d’Haïti en est un. En fait, le problème dudit pays n’est pas né le ou après 12 janvier 2010, sinon qu’il devient dramatique. Depuis des décennies, le budget national est financé par de l’aide externe dans une proportion variant entre 60 et 70% de son contenu et de plus, les élections pour le choix des dirigeants du pays sont encore financées en majeure partie par la Communauté internationale. Ces deux éléments sont des facteurs-clés qui affectent la souveraineté nationale. Sans aller plus loin, il faut admettre qu’Haïti est faible dans toutes ses structures, ce qui la rend non autonome.

Aujourd’hui, ceux-là qui ne font pas partie de la Commission de reconstruction dénoncent la Loi sur l’état d’urgence en alléguant qu’elle porte atteinte à la souveraineté du pays. Pourtant, les choses n’ont pas changé, répond le sénateur Joseph Lambert : « C’est le même Blanc qui est là, lui avec qui nous avons l’habitude de marcher la main dans la main ».

Concrètement, que proposent ces opposants au peuple haïtien? Rien, sinon qu’un cahier d’écritures. On serait le premier à applaudir si le cahier contenait des provisions, on clamerait même bien fort que nous sommes maîtres de chez nous. Mais, la réalité est différente et l’on a guère le choix que de composer avec les acteurs externes. D’autant plus, comme on le sait, un banquier impose toujours ses conditions aux demandeurs de fonds et les conditions varient selon la situation financière de l’emprunteur.

Il va sans dire que les remous constatés sur le terrain en Haïti se répercutent  dans la diaspora haïtienne mais avec une différence de taille. Les opposants locaux invoquent l’argument de la souveraineté nationale tandis que la diaspora fait valoir plutôt son poids économique par le transfert des fonds vers Haïti. Si les arguments sont divergents, on ne pas dire autant pour les raisons, elles sont plutôt convergentes, à savoir le partage du gâteau.

Quant à la diaspora, c’est étonnant, les revendicateurs du poids économique ne sont pas les véritables contributeurs. De plus, ce qu’ils ignorent : l’argent envoyé par les compatriotes de l’extérieur  à leurs familles ne va pas dans la caisse de l’État. Certes,  l’économie haïtienne en bénéficie, mais le Gouvernement ne reçoit pas cet argent, il ne peut pas l’affecter à la reconstruction. La diaspora ferait mieux de s’organiser. À l’heure actuelle, il y a absence d’une diaspora haïtienne organisée  pouvant répondre aux défis que présente la situation d’Haïti. On ne veut pas être prophète de malheur. Très prochainement, on  y verra la grogne que suscitera la décision du Gouvernement de choisir  un d’entre eux comme membre honorifique au sein de la Commission de reconstruction.

En guise de conclusion, comme les grands donateurs se sont donné pour mission de gérer les fonds, au lieu de critiquer la Commission, pourquoi ne pas constituer  un groupe de suivi qui aura pour tâche d’apprécier dans le futur la réalisation des travaux de reconstruction ou de dénoncer auprès des contribuables des pays donateurs le gaspillage et/ou le détournement des fonds.

 

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*L’auteur détient une maîtrise en administration publique. M. Férère était le représentant de Fanmi Lavalas, le parti de l’ex-président Jean-Bertand Aristide au Québec et occupait la fonction officielle de «chargé de liaison» à Montréal auprès du gouvernement Neptune entre 2002 et 2004) 

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