Dany Laferrière: l’immigrant qui a pris le risque du voyou

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MONTRÉAL (MÉDIAMOSAÏQUE TOP 20) – Le voilà en 2013: son nom et sa face dans le prestigieux Petit Robert! On le sous-estimait pourtant. Et qui est-il pour prétendre vouloir s’immiscer là ou la postérité n’est même pas garantie à des supposés prédestinés dans ce milieu inaccessible au monde ordinaire? Du petit journaliste d’Haïti, contraint à l’exil au Québec (où il a fait l’usine à Montréal), par les sbires de Duvalier, Dany Laferrière est devenu non pas une sommité haïtienne, ni québécoise ou canadienne, mais planétaire. L’homme, qui relativise toujours ses prouesses, n’a pu que voir une « consécration » en réagissant à son entrée dans le Petit Robert en 2013. Voilà pourquoi l’Agence de presse Médiamosaïque lui rend un hommage appuyé en faisant de lui le Grand Lauréat du TOP des 20 Plus Grandes Personnalités de la Diversité de l’Année 2012.

Mais, que reste-t-il encore de Dany ? Tout.

Que nous reste-il encore à dire de lui ? Rien.

L’écrivain Laferrière, est, en effet, ce « rien » qui s’autorise à entrer en souverain dans l’écume de nos jours ordinaires. Impuissants, nous l’y voyons lancer ses obus rouges, décharger en semences laiteuses ses grenades, qu’il nous fait appeler: encres noires. Lui, il en rit. Car, c’est si peu que de dire: Encres. Dany Laferrière, est ce rien qui, tôt ou tard, fait réaliser à son lectorat la part manquante d’une vie qu’on prétend chargée, remplie d’occupations. Évidemment, j’appelle rien, ce qui se refuse à se nommer, le miracle qui ne se donne jamais à se définir, à se cerner. J’appelle donc rien: le soudain, le «ce» qui apparaît. La surprise.

Le cas Laferrière est une affaire votive. Sa littérature relève d’un pacte avec la vie vive à célébrer en tout temps et de la vertu profonde du vœu d’être totalement libre. Libre, n’est pas qu’un ensemble d’alphabets réunis en mots dans le champ de Dany. C’est une réalité qui défie la fiction. L’homme qui naquit à Port-au prince en 1953, n’a pas fini de naître sous d’autres cieux encore aujourd’hui. Sans cesse, il meurt pour devenir. Il est là et là bas. Ici et en haut. Son ailleurs n’a pas de contours géographiques. Le divers, il l’intègre dans son unité d’homme libre. La littérature, c’est sa vie prise sur le vif ! Mais, laquelle? Allez donc savoir!

Au moment où les Haïtiens se le réclament, il s’auto-déclare écrivain Japonais. Durant son séjour d’au moins 10 ans en Floride, les Québécois juraient qu’il habitait encore dans sa garçonnière au Carré St Louis à Montréal. Les Américains lui parlent anglais, il répond en français. Le pape littéraire du monde parisien: Bernard Pivot, lui témoigne toute l’admiration pour sa belle langue française de romancier. Pardi! Le voilà s’étonner que ce dernier n’en ait rien compris, car il ne s’agit point de langue française dans aucun de ses romans, précise Dany; c’est de l’anglais mal traduit. Le Nobel Britannique de littérature, V.S. Naipaul, a écrit: « L’énigme de l’arrivée ». Lui, Dany, Prix du  »Gouverneur général du Canada », s’en est allé autrement, tournoyant la réplique en « L’énigme du retour ». Deux œuvres autobiographiques.

Jamais, un écrivain n’a autant brouillé repères, pistes et horizons d’attentes; n’a autant aimé maîtres et patries pour mieux les trahir, j’entends pour mieux les livrer aux assauts de la métamorphose. La gratitude qui n’est pourtant pas une lâcheté pour lui, est loin de le rendre captif d’un lieu, encore moins redevable à quiconque. Dany Laferrière est l’écrivain  »voyou », qui passe son chemin en esprit libre; ce qu’il ne dira à personne, il le dit au monde. Pour tous, ne demeurent que ses écrits: odeurs des vies.

Il est l’écrivain aux bras ballants, aux mains nues, baladeuses. Jamais, on l’a vu avec un livre, pas même avec un de ses 24 à date. Tout objet le gêne. Tout engagement l’encombre. Son art de ne presque rien faire le prédispose toujours au départ joyeux, à des rencontres à fêter. Jamais, on l’a vu avec un carnet. Papier et plume ne lui sont que des accessoires. Écrire n’est pas un moment échappé, volé, mis à part. Grand écrivain, ce père de trois enfants sait que l’activité de l’écriture est un sacerdoce, une consécration pleine et entière à laquelle seul son corps nègre doit répondre; répondre dis-je à l’absolue nécessité de tout vivre à l’instant même où tout se donne.

Son corps d’écrivain, vivement présent, est toujours en état d’écriture. Corps livré à tout ce qui bouge au tour de lui se fait déjà écriture. Aussi, lit-on aujourd’hui encore avec le même battement, la même gamme d’émotion, les pages bouleversantes de: «Tout bouge autour de moi», livre-culte, écrit et publié le lendemain du fameux séisme du 12 Janvier 2010, ce Mardi gras de cadavres qui faillit emporter en terre le corps de l’écrivain. Québec,-je m’en souviens-, languissait d’espérance que Dany Laferrière, leur écrivain baptisé Québécois, revint debout du pays de «L’énigme du retour» planter à chaud son baobab, son mapou, en son sein refroidi.

Et depuis des prix et des honneurs de toutes parts n’ont pas tari leurs gouttes sur l’homme et son œuvre.

On reconnait en Dany, un fou. Pas seulement de Vava. Pas seulement de sa grand-mère Da, à laquelle les habitants du quartier Ahuntsic de Montréal, ont d’ailleurs consacré un cybercafé: Le café de Da. Nom de sa grand-mère. La Littérature seule peut opérer un tel miracle. Il est surtout et avant tout, ce Dany, fou de la vie. Les gens l’aiment pour ça. L’écrivain humaniste Laferrière, soumet la raison rugueuse à la force agissante du sentiment de rendre davantage bons et légers ceux et celles qu’il approche par ses livres dont on est jamais sorti tel qu’on y était entré.

Ému, le Lauréat du prix Top 20, Dany Laferrière, signifie sa reconnaissance et sa joie envers Médiamosaïque pour cette grande distinction en ce début d’année 2013, laquelle coïncide avec son entrée dans le dictionnaire Le petit Robert. Rappelons que l’écrivain est également dans le Larousse depuis 2012, devenant ainsi l’un des rares à être dans le deux dictionnaires.

Le miracle du démonique Laferrière tient au fait de n’être rien. Et c’est tout!

(Je ne peux pas être indifférent à une pareille chose: être dans Le Larousse et avoir sa photo dans Le Robert.  Pour un écrivain : le dictionnaire est le livre fondamental.  Je ne pensais pas y être un jour.  L’impact de cela sur la société, je n’en sais rien.  Je me contente de me lever la nuit pour ouvrir les dictionnaires et m’étonner d’y être encore.  J’ai eu des prix, c’est vrai, mais le dictionnaire c’est la consécration) Dany LAFERRIÈRE.

Par Arol Pinder, écrivain

Redécouvrez les Lauréats de la 2e Édition du TOP 20 de la Diversité !

* Qui sont-ils les Lauréats de la 1ère Édition du TOP 20 de la Diversité ?

En VIDÉO:


* Microtrottoir – (Grands Prix Mosaïque (Gala des Lys de la Diversité) 2014 – (2e Édition)

Sur la Photo les 20 Lauréats placés dans les quatre rangées, de la gauche vers la droite:

1ère rangée: Dany Laferrière, Mohamed El Khayat, Maka Kotto, Hélène Parent, Saul Polo

2e rangée: Antonio Sciascia, Nicholas Pagonis, Dominique Anglade, Monsef Derraji, Samuel Pierre

3e rangée: Stéphane Laporte, Marjorie Théodore, Michelle Blanc, Lynda Thalie, Samian

4e rangée: Winston Chan, Benoît Songa, Angela Sierra, Régine Alende, Kelvin K Mo

PHOTOTHÈQUE MÉDIAMOSAÏQUE/Cr QMI ( En haut, le romancier et cinéaste, Dany Laferrière, accède au TOP des 20 plus Grandes Personnalités de la Diversité de l’Année au Québec )