Comment un artiste peut-il faire languir le gouvernement? La recette LAFERRIÈRE

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Pour le lauréat du prestigieux prix Médicis 2009, «la ministre et les artistes ne doivent pas se mentir». Aux artistes qui reprochent au gouvernement d’Haïti d’être absent ou d’être très peu interventionniste en matière culturelle, Dany Laferrière fait la suggestion qui suit lors d’une entrevue exclusive accordée à l’Agence de presse «Média Mosaïque».

«Il faut d’abord que les artistes arrivent à se placer eux-mêmes à un certain niveau pour pouvoir faire des exigences au ministère de la Culture. Il faut qu’ils sachent qui fait quoi, comment faire ceci, comment faire cela, se faire respecter. Ils doivent d’abord penser à se parler, à se rencontrer sur une base régulière, à s’organiser pour défendre leurs intérêts ensuite», a conseillé le lauréat.

Le talent ne suffit pas pour réussir en Amérique du Nord

Ce faisant, Laferrière croit que cela permettrait de combattre «l’une des choses que l’on reproche surtout aux artistes haïtiens: la discipline et la ponctualité». Le célèbre romancier rappelle à ces derniers «qu’il ne suffit pas d’avoir du talent pour réussir en Amérique du Nord ou en Europe».

«Il faut et surtout de la ponctualité et de la discipline, alors que l’Haïtien définit l’artiste comme celui qui n’obéit à aucune règle, c’est bien, mais vous n’allez pas pouvoir réussir dans un système occidental où il n’y a que des règles à suivre!», a-t-il lancé à l’endroit de ceux qui rêvent de se faire prendre au sérieux au-delà de leur communauté d’origine.

Pour faire languir le gouvernement

La recette est simple. Selon Laferrière, «tout le monde cherche ses intérêts. S’il y a un artiste au Québec ou à Montréal qui fait des choses extrêmement importantes, le gouvernement aimerait bien l’avoir avec lui, voudra bien se montrer avec lui pour démontrer aux gens qu’il supporte cet artiste-là.»

«Le troc existe dans toutes les sociétés, le gouvernement insistera pour envoyer un de ses ministres se photographier avec l’artiste. C’est du donnant/donnant. À ce moment l’artiste peut normalement faire les exigences de ses goûts à ce gouvernement», a-t-il poursuivi.

À son avis, «c’est ainsi qu’il faut voir la question. La ministre et les artistes ne doivent pas se mentir. Car, si vous le regardez dans un sens idéal de l’État ou uniquement dans le sens de l’artiste, les deux secteurs vont se mentir. Il ne faut pas non plus oublier que l’artiste doit aussi garder une certaine distance par rapport à l’État».

Laferrière est un exemple, même s’il veut rester humble

Le lauréat 2009 du prix Médicis sait bien de quoi il parle. Il est Québécois, il est Haïtien et maintenant les Français se l’arrachent, comme l’a rappelé à ministre de la Culture d’Haïti, Marie-Laurence Jocelyn-Lassègue, sur les ondes de Radio-Canada. Mme Lassègue se disait même «intimidée» en apprenant que Dany, revenant tout juste d’Haïti, était présent dans la salle où elle rencontrait les artistes et opérateurs culturels au Complexe Cristina.

Le romancier, qui se met en quatre pour répondre aux invitations qui lui proviennent de divers coins de la Francophonie, suite à l’obtention du prestigieux prix littéraire français, s’excuse auprès des gens à qui il n’a pas encore parlé. Il confie avoir reçu depuis plus de 300 messages dans sa boîte vocale et des centaines de courriels de félicitations.

 

 

Autour de la tournée au Québec de Mme Lassègue: 

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PHOTO MEDIAMOSAIQUE.Com/Cr Hubert Molaire (le romancier Dany laferrière répond aux questions de «Média Mosaïque» à l’issue de sa participation à la rencontre de la ministre de la Culture d’Haïti avec les artistes à Montréal le jeudi 10 décembre dernier au Complexe Cristina)