MONTRÉAL – Les craintes d’une fort probable réélection d’Abdoulaye Wade se font sentir également dans la métropole québécoise. L’éditeur montréalais, Moïse Mougnan, met en garde contre ce qu’il appelle une transformation via les urnes du Sénégal en « Wadistan », un terme associé au nom du président sortant (Wade) et à l’un des régimes les plus autocratiques d’Asie centrale (Turkménistan).
Dans un article qu’il a soumis à la rédaction de l’Agence de presse Médiamosaïque, M.Mougnan a vertement critiqué la décision du président octogénaire de briguer un septennat après avoir bouclé deux termes successifs à la tête du Sénégal.
Cet analyste et fin connaisseur des régimes politiques africains et du Tiers-monde dénonce la manipulation qui serait orchestrée par des fonctionnaires inféodés au régime à travers tous les rouages de l’État dans le but de pérenniser le règne d’Abdoulaye Wade.
Ci-dessous, l’intégralité de l’article:
Par Moïse Mougnan
La République du Sénégal demeurera-t-elle un « Wadistan » le 26 février 2012?
Le Sénégal, sera-t-il remplacé par une nouvelle République concoctée et créée de toutes pièces par un seul homme : Wade? C’est la question que tous les observateurs de la vie politique en Afrique se posent actuellement à quelques jours du scrutin présidentiel prévu pour le 26 février prochain.
Nouvellement baptisé « Wadistan » par certains analystes, le Sénégal est désormais un pays tenu en laisse par un conglomérat de rapaces et de voraces sous la houlette du Abdoulaye Wade. Ils n’ont pour seul souci, à n’en point douter, que la préservation et la pérennisation de leur appétit gargantuesque au détriment des gouvernés trimant majoritairement dans la misère.
Au « Wadistan », la fidélité absolue au chef de l’État usurpateur, se considérant guide bien aimé, bienveillant et bien nanti, prime sur toute autre considération d’intérêt public. Lorsqu’on est dans la bonne grâce du prince Wade, on peut tout se permettre tant le président, accroché à son titre et à ses privilèges, use, abuse et usurpe aussi bien ses affidés que ses prérogatives.
En passe de devenir une République bananière, où les plantations sont le domaine exclusif de l’autoproclamé grand timonier et de sa cour, le « Wadistan », a bien des égards, s’inspire plus du mythologique N’doubelane que d’un pays de droit comme jadis s’honorait le défunt Sénégal.
D’une condescendance névrotique, voire pathologique, Gorgui (ou monsieur en wolof) comme l’appelaient jadis ses compatriotes, est un homme obsédé et imbu de lui-même, à un tel point qu’il se donne le mérite d’être le seul scribe de la Constitution, le seul à pouvoir diriger le pays, l’omniscient, l’omniprésent et l’omnipotent irremplaçable en somme. Mais dans sa débonnaire magnanimité et sa générosité royale, il souhaite léguer son fils (dont le prénom Karim signifie généreux en arabe) à la postérité car copie conforme de son ADN. Un fils plénipotentiaire, qui cumule déjà à lui seul quatre ministères (l’Énergie, la Coopération Internationale, les Infrastructures et les Transports Aériens) comme s’il manque de compétences au pays pour exercer de telles charges, lourdes, il faut en convenir, sur ses frêles épaules. Son seul mérite d’être « quelqu’un » au royaume du népotisme est d’être le fils du calife Wade.
Élu triomphalement en 2000 (au deuxième tour), puis réélu boitement (au premier tour) en 2007 ( son cynique souhait pour narguer ses adversaires est même de se représenter encore en 2019), Bouki, son dernier sobriquet, a tellement prit goût au pouvoir qu’il sera illusoire de penser qu’il cédera à la pression de ses compatriotes descendant, depuis des mois, dans la rue pour lui demander gentiment de respecter la Constitution en cédant le pouvoir à un autre citoyen éligible. À son obstination de s’agripper au titre de Président qu’il voudrait sournoisement léguer à son Karim mal-aimé des Sénégalais, la rue sénégalaise lui oppose désormais moins courtoisement « Dégage! » un cri de ralliement dont on se souvient fit fuir un certain Ben Ali du pouvoir en Tunisie en janvier 2011.
Bravant la volonté de la majorité de la population, cinq membres de la bassecour plutôt que de la Cour constitutionnelle, acquis à sa démesure, donneront caution à son obstination. Frappé de cécité interprétative, la Cour constitutionnelle de Dakar valida la candidature démentielle du Président usurpateur.
Démagogue et opportuniste de bonne heure, Wade, A. était le premier et le seul chef d’État à aller a la rencontre des insurgés libyens à Benghazi. Comment peut-il demander le départ de Kadhafi, tout en tripatouillant la Constitution afin de se représenter une troisième fois à l’élection présidentielle pour rempiler encore pour sept ans dans le mépris total du mandat de deux (2) ans ordonné par la loi fondamentale du pays?
Aussi fourbe que son homonyme Bouki l’hyène, dans les fables de Léopold Sédar Senghor et d’Abdoulaye Sadji, Wade, A. a demandé à sa servante et docile Cour constitutionnelle, d’écarter l’un des candidats capables de lui barrer la route au premier tour : N’DOUR Youssou Madjiguéne.
L’artiste, qui s’est investi en politique ( en créant le Mouvement citoyen Fekkee Ma Ci Boolé qui veut dire en wolof, Je suis témoin, donc j’en fais partie ), en suivant les traces de Fela Anikulapo Kuti (qui s’était déclaré candidat en 1983 avec son parti le Movement Of the People au Nigeria), d’Ali Bongo Odimba (en 2009 avec le Parti Démocratique Gabonais ) et tout récemment de Joseph Michel Martelly (avec son parti Repons Peyizan, ce dernier s’est fait élire en avril 2011 en Haïti), a surpris la classe politique sénégalaise et particulièrement WADE Abdoulaye, qui ne s’y attendait véritablement pas. L’acharnement des Wade (père et fils) contre ce dernier est connu de tous.
Dans cette République wadistanaise de mallette codée et de valise balisée, la corruption est érigée en mode de gouvernance. Le militantisme politique est désormais alimentaire, et les adhésions se négocient au prix fort. Même le religieux est dorénavant invité au bal de la bombance mal acquise, sans compter les tentatives de corruption des fonctionnaires nationaux et internationaux, afin d’acheter leur silence sur les dérives budgétaires et budgétivores du raïs. Ce fut le cas d’Alex Segura du FMI (Fond Monétaire International), gratifié d’une somme de 133.000 Euro pour service rendu au Wadistan d’après son octogénaire de président.
Pyromane que pompier, il a attisé les conflits sociaux plutôt qu’à en éteindre la flamme incandescente par la recherche des solutions concrètes aux problèmes de la jeunesse et les conflits politiques couvant depuis des décennies. Insouciant, le conflit armé en Casamance est devenu, au contraire pour lui, un fonds de commerce qu’une crise politique majeure à gérer. Sa politique africaine et internationale est chaotique, calamiteuse et désastreuse, ce qui n’a jamais été le cas de ses prédécesseurs.
Juriste de formation, le damel (roi en wolof) de Kébémer (lieu de naissance de Wade Abdoulaye) utilise toutes les astuces possibles pour transformer le dossier du tyran tchadien Habré Hisséne, en profit et gain financier personnel. Ce dernier, installé par la France au Sénégal depuis sa chute en 1990, est accusé d’être responsable de plus de 40.000 morts dans son pays d’origine. Poursuivi par la justice de son pays, Hisséne est également sous un mandat d’arrêt international a été émis en son encontre. Son procès qui devrait avoir lieu depuis longtemps, traine au mépris de la justice et des victimes. Wade et son administration, font tout pour mettre les bâtons dans les roues du processus judiciaire.
Ancien opposant adulé (tant dans son pays que partout en Afrique), mais dont le pouvoir a rendu hélas moloch, l’homme n’écoute ni ses conseillers, en dehors de ses multiples courtisans et de sa femme Viviane Vert, ni ses médecins qui lui demandent de se reposer, ni son parti qu’il a émasculé (en faveur du mouvement Génération du Concret de son Karim de fils ), ni ses ministres, qui ne sont désormais que des faire valoir, à plonger par son entêtement à se perpétuer ad vitam æternam au pouvoir son pays dans l’incertitude et l’instabilité.
Lâché par les autorités coutumières et religieuses du pays (qui ont été surprises et choquées de son appartenance à la Franc-maçonnerie), ainsi que par ses meilleurs alliés américains et français, l’homme est désormais seul. Une solitude qui pèse et qui pousse à l’hystérie et à la paranoïa. Le pouvoir, est désormais le seul remède qu’il se prescrit à lui même. Un pouvoir qui a terni à jamais toutes ses années de lutte. Triste palmarès pour l’initiateur du mouvement Sopi (changement en Wolof) un mouvement qui l’a soutenu tout au long de son combat politique quand il fut opposant, et qu’il renie aujourd’hui. Il est vrai qu’hier, il s’opposait au pouvoir en place. Aujourd’hui, il s’oppose à son propre peuple.
Il a tout intérêt, à s’inspirer de la sagesse du philosophe et du savant Kocc Barma Fall (1586-1655), qui sûrement ira dans le sens de la volonté populaire et de la raison, que de ses conseillers occultes, qui vernissent et travestissent la vérité, afin de plaire et complaire a leur mentor. Un mentor qui a plus que tort.
Il faut sauver absolument le Sénégal (le 26 février, date des élections) de la malfaisance de Wade Abdoulaye. C’est dire le débaptiser définitivement de la souillure wadistane et lui redonner ses lustres d’avant. Il en va de l’honneur du Sénégal, des Sénégalaises et des Sénégalais.
PHOTOS MEDIAMOSAIQUE.Com/Cr Google (En haut, la facade de l’édifice officiel qui abrite la présidence sénégalaise)